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À FÈS




LA JOURNÉE DE PRIÈRE




MATIN DE FÊTE

Fès !… la ville blanche, basse, massive, d’où jaillissent, comme des fûts de palmiers, les minarets fins et rigides, contenue dans son bandeau de pierre crénelé qu’entourent les champs infinis des sépultures… Vision solitaire sous la blancheur lointaine et pure des neiges de l’Atlas, dans la campagne vaste et muette où circulent, vierges de toute voile, de toute rame, les calmes rivières ; où nulle vie, nul mouvement, pas même une fumée, n’annonce le fourmillement des vies humaines qui se perpétuent et se multiplient, jamais dénombrées, étrangères au reste du monde, dans la ville fondée par Moulay Idriss.

Aujourd’hui, c’est la fête sainte ; celle qui va interrompre le travail, les échanges, pendant sept jours de pieuses réjouissances ; la fête de l’Aïd-Kébir.

Sur l’immense plaine gazonnée où l’étroite ceinture de murailles ouvre ses ogives séculaires, un simple petit édicule blanc, très bas, regarde le Levant et reçoit son premier rayon. Il se prolonge en deux lignes de pierre vers le Nord et vers le Sud. Ainsi posé, il a la forme d’un oiseau blanc, au corps un peu gonflé, déployant ses longues ailes. C’est le Msalla, le mur où l’on prie. La tradition qui le fait recouvrir chaque année d’un lait de chaux le veut blanc comme la lumière, plus blanc que la ville blanche, plus blanc que les neiges blanches, plus