Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/870

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous et nous rapprochons de l’Allemagne la catholique Alsace[1]. La « troisième France » finira-t-elle par ouvrir les yeux ? Finira-t-elle par s’apercevoir qu’on la trompe, qu’on la pille et qu’on travaille à sa ruine ? Se débarrassera-t-elle bientôt des fanatiques étroits et violens qui ont surpris sa confiance ? Les remplace-ra-t-elle par ces « modérés très énergiques » dont M. Faguet souhaite énergiquement l’avènement ? Nous le saurons dans quelques semaines. Ce pourrait être, en tout cas, un excellent moyen de « solutionner la question cléricale. »

Il y en a peut-être un autre, et celui-là est entre les mains des seuls catholiques. Il consisterait pour eux à s’efforcer, par tous les moyens en leur pouvoir, de ne pas fournir à leurs ennemis les prétextes d’hostilité qu’ils ont trop souvent fournis à ces derniers dans le passé et même dans le présent. Assurément, il n’est pas, ou il n’est guère en leur pouvoir de transformer en sentimens généreux et en idées élevées les passions dont ils sont les victimes, et de convertir en noblesse morale l’habituelle bassesse d’âme de la plupart de leurs persécuteurs. Mais ils peuvent ne pas donner prise aux reproches en partie justifiés qui leur sont adressés, et que nous rappelions tout à l’heure. Ils peuvent, à force de bonne volonté, de courage, de patience, de

  1. On ne saurait trop insister sur les dangers de toute sorte que le fanatisme anticlérical et maçonnique fait courir aux intérêts français. S’il est un fait établi par de nombreux et peu suspects témoignages, c’est bien celui-ci, que partout où pénètrent nos missionnaires, c’est l’influence française qui, pour le plus grand bien du pays, pénètre, se propage et, finalement, s’impose ; et pendant bien longtemps, nos ministres les moins « cléricaux » favorisaient au dehors ce qu’ils avaient quelque peine à tolérer en France. On est en train de changer tout cela. Il faut lire à ce sujet les pages puérilement déclamatoires et qui, d’ailleurs, n’articulent aucun fait précis, que M. Foureau a écrites sur la « colonisation des missionnaires, » dans le récent volume où il publie les Documens scientifiques de la mission saharienne Foureau-Lamy : « Gambetta, écrit-il, disait autrefois : L’anticléricalisme n’est pas un article d’exportation. Quant à moi, je suis d’un tout autre avis, et je dis : Les missionnaires et les religieux sont de détestables articles d’exportation ; gardons-nous d’en expédier jamais à destination de nos colonies si nous voulons voir s’épanouir et prospérer dans la paix nos possessions d’outremer et si nous avons le souci de faire une œuvre profitable à notre pays. » (D’Alger au Congo par le Tchad, par F. Foureau, 3e fascicule, in-4o, Paris, Masson, 1905. p. 1160-1171.)
    De son côté, l’auteur de l’article Franc-Maçonnerie de la Grande Encyclopédie, après avoir célébré les « bienfaits » de « la Veuve » « dans les pays latins où elle soutient la lutte contre le cléricalisme, » fait sans ironie la suggestive déclaration suivante : « On peut regretter, dit-il, qu’elle n’ait pas organisé de propagande parmi les races inférieures, et les abandonne à l’action des missionnaires dont les effets sont si contestables. » — On ne saurait mieux faire entendre que les rites maçonniques sont exactement adaptés à la mentalité des nègres du Congo.