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De ce travestissement, M. Faguet n’est point responsable. Et même, je n’ai pas assez dit combien les objections mêmes qu’il provoque, il les rend souvent inutiles par l’empressement avec lequel il rétablit, dans le détail, la réalité des faits qu’il avait tout d’abord paru négliger. Quand d’ailleurs cette étude sur l’Anticléricalisme soulèverait plus d’objections encore, et de plus graves, que celles que nous lui avons adressées, il resterait que ce livre est plus, et mieux qu’un livre : c’est un acte de courage, le patriotisme et de raison. Fermement convaincu que « l’anticléricalisme a fait un mal énorme à la France, et qu’il continuera à lui en faire un qui est difficilement calculable, » M. Faguet a écrit son livre pour nous faire toucher du doigt ce mal qui nous mine et pour nous inviter à l’enrayer. Le remède, à ses yeux, nous l’avons dit, c’est la constitution d’un fort parti énergiquement libéral, « chose du reste, ajoute-t-il, qui ne s’est jamais vue, » parti qui imposerait sa volonté pacifiante aux anticléricaux et à leurs adversaires. « C’est donc aux libéraux, conclut il, à, être les plus nombreux. C’est pour en augmenter le nombre que j’ai écrit ces quelques pages, après d’autres, au cas où je pourrais avoir quelque force de persuasion. » L’entreprise était généreuse, et elle est singulièrement opportune. Essayons, à notre tour, en nous aidant du livre de M. Faguet, de nous demander s’il y a un moyen de sortir de l’impasse où l’anticléricalisme de ces dernières années nous a littéralement acculés.


II

L’anticléricalisme français contemporain a des origines ou des causes assez diverses. Il en est, n’hésitons pas à le dire, d’inavouables ; et pour s’en convaincre, hélas ! il n’est pas besoin de pénétrer dans le mystère des « loges » et des « ateliers » où s’élaborent toutes les lois persécutrices qu’enregistre ensuite un très docile Parlement ; il suffit de lire au jour le jour le compte rendu des Chambres, de feuilleter de loin en loin les journaux, les brochures ou les livres du parti jacobin. Un bas appétit du pouvoir, un désir effréné, et à peine déguisé, de participer à la grasse curée officielle des honneurs, des sinécures et des places, une soif inextinguible de jouissances matérielles, un désintéressement complet, absolu, de tout ce qui n’est pas la réélection prochaine, et l’espoir qu’en agitant sans cesse « le spectre clérical, » on