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On l’a bien vu pendant la période révolutionnaire, et depuis. Le scepticisme souriant, tranquille, discret, l’irréligion « à part soi » n’est pas notre fait. Il nous faut prêcher, combattre, — fortiter certare et argute logui, comme disait déjà César, — il nous faut convertir. Et c’est pourquoi la question religieuse est toujours chez nous à l’ordre du jour, toujours agitée, toujours vivante ; et c’est pourquoi aussi l’anticléricalisme est chez nous plus ardent, plus violent que partout ailleurs.

C’est de cet anticléricalisme-là, tel qu’il fleurit en France, que M. Emile Faguet a entrepris d’écrire l’impartiale histoire et de faire la critique. Il le suit depuis ses premières manifestations extérieures jusqu’à notre époque contemporaine, entremêlant, comme il se plaît si souvent à le faire, le récit des faits et l’exposition des idées, de discussions et de réflexions personnelles qui ne sont pas de son livre la partie la moins neuve et la moins intéressante. Est-il besoin de dire que le sujet est abordé et traité par lui avec une entière liberté d’esprit et que les solutions qu’il propose sont inspirées par le plus clairvoyant patriotisme et par le libéralisme le plus sage ? « Je pense, nous dit-il, apporter de l’impartialité dans cette étude, n’appartenant à aucune confession religieuse, ni, ce qui est peut-être plus important encore dans l’espèce, à aucun parti politique. » Et, sans partager sur toutes les questions qu’il discute toutes les idées de M. Faguet, on souhaiterait que son livre fût entre les mains de tous nos hommes politiques, pour inspirer leur conduite et leurs votes. On souhaiterait enfin que ce livre contribuât à constituer en France le « parti de modérés très énergiques » qu’appelle de tous ses vœux M. Faguet et qui, s’il se formait, s’il prenait conscience de sa force, qui est celle de la France même, serait sans doute le salut du pays.

De cette histoire, on goûtera vivement les chapitres consacrés par le sagace écrivain à l’étude de l’anticléricalisme au XVIIe et au XVIIIe siècle, et sous la troisième République. On aimera peut-être moins, ou, pour être plus exact, on discutera peut-être davantage les chapitres intermédiaires sur l’anticléricalisme pendant la période révolutionnaire, sous le Consulat et l’Empire, sous la Restauration, sous Louis-Philippe, sous la seconde République et le second Empire. Cela tient, si je ne me trompe, à ce que, dans le premier cas, M. Faguet nous apporte le résultat d’études entièrement personnelles, poursuivies