Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/851

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contemporaines, ils demeurent des romantiques impénitens.

Il est juste d’ajouter qu’ils nous paraîtraient peut-être plus vrais s’ils pouvaient nous ouvrir davantage leur âme et s’ils n’étaient pas chargés par l’auteur du poids de tant d’idées Quelle est donc la valeur philosophique d’un théâtre qui se préoccupe de signifier et même d’enseigner quelque chose ?

On me dispensera, je suppose, de toute réflexion préliminaire sur l’utilité qu’il y a pour le dramatiste à tirer son œuvre de l’idée même qu’il veut discuter. C’est là une question qui n’a pas cessé d’être à l’ordre du jour depuis Dumas fils jusqu’à M. Brieux, mais je crois bien qu’on a dit sur elle à peu près tout ce qui se pouvait imaginer de raisonnable ou d’absurde. Il n’est pas cependant sans intérêt de rappeler que la pièce à thèse est, en Espagne, bien moins usitée et usée qu’en France. C’est une injustice, sans doute, de refuser à la comedia de l’âge d’or le mérite d’avoir su parfois porter la pensée. Lisez la Vie est un songe de Calderón, et vous verrez avec quelle vigueur est mise en scène l’idée philosophique qui justifie ce titre. Il n’en est pas moins vrai que le public espagnol a surtout demandé au théâtre national qui exprimait toute son âme non point une matière à réflexion, mais des spectacles du mouvement le plus varié, et des peintures de l’amour et de l’honneur dont la violence ne laissait pas d’être superficielle, puisqu’on y voyait briller des lueurs fulgurantes plutôt qu’une lumière sereine et continue. M. Galdós pouvait donc se flatter d’être original en un genre dont l’évolution est loin d’être achevée en son pays. L’a-t-il été en effet ?

On est tenté d’abord de répondre non. Il ne nous a point été difficile de montrer les origines étrangères des idées soutenues par les premiers drames de M. Galdós. Nous y avons retrouvé des revendications qui étaient chez nous à la mode aux environs de 1840 ; nous y avons entendu l’écho des paroles écrites dans l’évangile selon Ibsen ou selon Tolstoï. Les drames de la seconde manière n’enseignent guère qu’une vérité assez banale qui est que le fanatisme est bien dangereux sous sa forme politique ou sous sa forme religieuse. Les derniers problèmes portés à la scène par M. Galdós ne produisent pas davantage un effet de surprise. L’honneur est-il un héritage qu’assure seule la pureté d’un sang noble, ou n’est-il, au contraire, qu’une illusion sociale ? La nature exige-t-elle, pour l’accomplissement des hautes destinées, l’intégrité de la race ; ou bien efface-t-elle en un incessant