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IV

Ce n’est pas non plus la marque d’une intelligence banale que de ne point perdre dans l’élan d’une ambition généreuse le souci et le sens de la réalité. M. Galdós s’aperçut que la pièce où il voyait avec raison le plus bel effort de son art passait, comme on dit, par-dessus la tête de ses spectateurs. Il se défendit et se plaignit. Il fit mieux encore ; il continua. Il savait que le public est un tyran impérieux, mais il n’ignorait pas davantage qu’il est aussi, et surtout en Espagne, un enfant terrible qui parfois se laisse éduquer. Jusqu’à quel point faut-il céder à ses goûts, et dans quelle mesure convient-il de leur faire violence ?


Devine, si tu peux ; et choisis, si tu l’oses.


M. Galdós devina que les drames de sa première manière ne prenaient pas toujours ses spectateurs par les entrailles, et que les autres se déformaient trop souvent au gré des passions politiques ou religieuses. Il connut qu’il est difficile non pas de rester froid quand on traite des questions brûlantes, mais d’imposer aux hommes assemblés pour le spectacle de leur existence une émotion purement esthétique. Il ne désespéra pas pourtant, et, profitant des expériences déjà faites, il rêva d’écrire une pièce qui fût comprise de tous sans être exploitée par personne, et qui lui épargnât aussi bien les applaudissemens fanatiques que les injustes mépris. Ce rêve, je reconnais que Mariucha n’en a donné qu’une image imparfaite, mais je crois bien qu’il s’est trouvé réalisé dans le Grand-Père.

Il y a dans Mariucha un effort souvent assez habile pour fondre en un ensemble harmonieux Volonté et la Duchesse de Saint-Quentin. La noble famille de Alto Rey, à bout de ressources, s’est réfugiée à Agramante. Le marquis, don Pedro de Guzman, ne compte plus que sur la situation lucrative que l’Etat lui semble devoir à son fils Cesáreo. Heureusement sa fille Maria, ou plutôt Mariucha, comme on l’appelle familièrement, rencontre un marchand de charbon qui lui enseigne la puissance de la volonté et la valeur du travail. Il est vrai que ce marchand de charbon n’est pas un Auvergnat ordinaire, je veux dire un Galicien ou un Asturien quelconque. Avant de se faire appeler