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n’ait pas toujours réussi à fondre les événemens réels et les incidens imaginaires, c’est l’écueil inévitable du roman historique. Ses Épisodes ne manquent pourtant ni d’originalité, ni d’intérêt. Comment ont-ils pu préparer leur auteur aux drames qu’il composera ?

Il est facile tout d’abord d’y remarquer un effort soutenu vers l’impersonnalité, un désir souvent réalisé de ne laisser rien deviner de soi dans le tour du récit ou dans les sentimens des personnages. Il serait difficile, d’autre part, de ne pas reconnaître une certaine indépendance à celui qui s’est fait traiter de carliste dans Zumalacárregui et de partisan d’Espartero dans Mendizábal ? M. Galdós apportera-t-il au théâtre ces qualités précieuses ? Il est remarquable en tout cas qu’il ait réussi à en faire preuve dans un autre genre. Les ressorts qu’il est habitué à manier ne sont pas, il est vrai, ceux auxquels fait appel d’ordinaire le dramaturge. L’amour ne joue qu’un rôle secondaire dans les Épisodes nationaux, et, sauf peut-être Genara, aucune figure de femme n’y est tracée avec une patiente application. Mais le patriotisme et la politique qui les animent y prennent souvent un air de vérité étrangement dramatique. Ce conflit entre la tradition et les idées nouvelles qui se poursuit encore en Espagne, pourquoi ne pourrait-il pas être présenté sur la scène ? Rien ne s’y oppose assurément, et l’on sait déjà dans quel esprit, s’il s’y décide, M. Galdós le traitera. Il s’est gardé soigneusement des intempérances du chauvinisme. Il a peint dans des pages impitoyables la folie des exaltations qu’on peut bien dire quichottesques et l’égoïsme sournois des patriotes de contrebande. L’étude du peuple que lui ont révélé les documens historiques, les conversations des vieillards et ses propres observations lui a fait connaître une âme généreuse, mais incohérente, et dont les violentes impulsions vont d’un extrême à l’autre au lieu de s’essayer à l’action lente, continue et réfléchie. Dans cette longue enquête de psychologie sociale, M. Galdós a constaté que l’Espagne souffre d’une maladie de la volonté. Le remède qu’il lui proposera au théâtre sera la conclusion naturelle du diagnostic qu’il a posé dans les Épisodes nationaux.

Ce diagnostic s’est d’abord confirmé et précisé dans les Romans contemporains. Les premiers d’entre eux ne sont pas les moins intéressans, mais ils sont les moins désintéressés. Malgré la sincérité de son effort, M, Galdós n’a pas réussi à s’y