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le critique alors à la mode, Federico Balart, et qui avait déposé depuis deux ans une pièce au théâtre Del Principe. M. Blasco lut la pièce, qui, dit-il, était un drame de mœurs original. Il la recommanda au directeur Catalina, qui continua à ne pas se presser de l’accepter. Cependant le jeune homme maigre et grave, lassé sans doute d’attendre, publia dans la Revista de España un roman où il peignait les aspirations des libéraux de 1820. La Fontana de Oro eut un succès qui tourna son auteur vers une nouvelle direction. L’année suivante commençait la publication des Épisodes nationaux. M. Pérez Galdós devenait un des écrivains les plus lus de l’Espagne d’aujourd’hui.

Le directeur Catalina a peut-être manqué de goût, mais il a rendu service à celui qu’il écartait de la scène. Il est juste de retenir que de bonne heure M. Galdós a eu des velléités dramatiques. Mais comment ne pas se féliciter qu’il y ait renoncé pour écrire son œuvre romanesque ? Il était bon d’ailleurs qu’avant d’aborder le théâtre, il eût étudié la vie espagnole dans l’histoire d’hier et dans les mœurs d’aujourd’hui. C’est à quoi il a consacré les nombreux volumes qui ont précédé son premier drame. Si l’on voulait être tout à fait juste et si l’on pouvait être complet, il faudrait les étudier dans le détail. C’est dans les romans de M. Galdós qu’il convient, en effet, de chercher la plupart des sources de son théâtre. Les influences étrangères qu’il semble qu’on y distingue sont aussi celles dont il fera passer le souffle sur la scène espagnole. Les analyses psychologiques et morales qu’il y a successivement développées forment la trame même de ses broderies dramatiques. Les idées qui s’en dégagent se sont tout naturellement transformées en sujets de pièce et en thèses. Il n’est pas jusqu’aux diverses phases de son œuvre romanesque qui ne se retrouvent en quelque manière dans l’évolution jusqu’ici suivie par son théâtre.

Les Épisodes nationaux comprennent trois séries de dix tomes chacune, qui sont déjà publiées, et une quatrième en cours de publication. La première raconte la guerre de l’Indépendance, la seconde les luttes politiques de 1811 à 1834, la troisième et la quatrième la première guerre civile. C’est, en somme, un tableau de l’histoire d’Espagne depuis Trafalgar jusqu’à la Révolution de 1868. Que M. Galdós ait d’abord subi l’influence d’Erckmann-Chatrian et qu’on la puisse retrouver dans quelques-uns de ses procédés, c’est à quoi je ne contredirai point. Qu’il