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que la première, seule, répond aux besoins normaux et aux progrès des sociétés. Les excès de pouvoir ne sont-ils pas la conséquence logique des attributions exagérées de ce pouvoir ? C’est en rendant la vie à la commune et à la province qu’on simplifie la tâche de l’autorité centrale et qu’on intéresse les citoyens à la chose publique. Le Play réclamait l’ensemble des libertés qui attestent chez un peuple la santé et la force. Il voulait la liberté de l’école sous le contrôle du pouvoir, la liberté religieuse réalisée par la séparation des Eglises et de l’Etat, enfin les libertés communales et provinciales.

Ce fut un des derniers actes de sa vie que la défense des libertés scolaires. Menacées en France dès 1879, elles allaient subir des attaques dont le temps n’a fait qu’augmenter la vigueur. Le Play provoqua, en Angleterre, une consultation signée des hommes les plus considérables : lord Rosebery, Gladstone, Owen, Wallace, lord Carnarvon, le marquis de Ripon, lord Selborne, Luther Holden, Frédéric Harrison, représentant les croyances et les partis les plus opposés[1]. Elle était ainsi formulée : I. Tous les habitans d’Angleterre sont libres d’ouvrir une école à leurs frais, d’enseigner ou de s’associer pour l’enseignement, à leur gré, pourvu qu’ils ne commettent aucune offense contre la morale publique. II. L’adoption d’une loi qui priverait des individus ou des catégories d’individus de leur liberté à cet égard serait regardée comme un acte absolument tyrannique. Aucune mesure de ce genre n’aurait chance d’être votée par le Parlement. III. Chaque père de famille a le droit de faire instruire ses enfans dans l’école de son choix. IV. L’abolition de cette liberté serait considérée comme une oppression intolérable. Quant à la liberté religieuse, Le Play la voulait par la séparation des Eglises et de l’État[2]. « L’indépendance des clercs, écrivait Le Play, sera une des conditions du perfectionnement des mœurs et du développement de la liberté générale. C’est, en effet, un salutaire exemple pour un peuple, que de voir une classe de citoyens soutenir par sa propre initiative les grands intérêts du pays. Un clergé indépendant peut, seul, neutraliser par son enseignement l’action dissolvante que les gouvernans exercent, à certaines époques, sur les mœurs privées. La

  1. Annuaire de l’économie sociale, 1879, IIe partie, p. 81.
  2. La Réforme sociale en France, 8e édit., t. I, liv. I, ch. H, 12 et 15. Tours, Alf. Mame et fils, 1901.