Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/721

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’impression que nos demandes étaient modérées, qu’elles étaient légitimes, que nous ne pouvions pas y renoncer sans mettre en péril la solidité de notre établissement africain, et c’est à cela surtout que nous avons dû la fidélité et la fermeté avec lesquelles nos alliés et nos amis nous ont aidés dans cette longue et pénible controverse. Pas un seul de ceux sur lesquels nous avions cru pouvoir compter ne nous a fait défaut. Toutefois, il serait injuste de ne pas reconnaître que l’Allemagne a montré, elle aussi, un sincère désir d’arriver à une entente, et que, comme on dit, elle y a mis du sien. Elle a fait, dans les dernières séances, des concessions sérieuses. Les nôtres restent plus considérables encore ; mais elles n’ont pas été sans d’assez larges compensations.

Quelle était la situation des deux parties au moment où la Conférence a commencé ses travaux ? Nous avions déjà cédé beaucoup de choses. Le plan que nous avions conçu en vue de la régénération du Maroc par notre action pacifique avait été rendu d’une application à peu près impossible, et nous en avions ajourné l’exécution à un jour indéterminé. Nous ne le regrettons qu’à demi : l’Allemagne nous a peut-être rendu service en nous empêchant de nous engager à fond dans une affaire qui nous aurait coûté très cher, et en nous obligeant à garder toutes nos ressources et nos forces disponibles. Quoi qu’il en soit, notre préoccupation principale à partir de ce moment devait être de maintenir la question intacte et de ne pas la laisser résoudre, même partiellement, à notre désavantage. C’est à cela que notre diplomatie a constamment tendu et finalement réussi. Dans les arrangemens du 8 juillet dernier, M. Rouvier avait déjà obtenu de l’Allemagne la reconnaissance de nos intérêts spéciaux au Maroc ; il restait à obtenir de la Conférence elle-même que cette reconnaissance passât du domaine théorique dans le domaine pratique. L’Allemagne a bien essayé, à diverses reprises, de retirer ce qu’elle nous avait promis ; elle a bien tendu, par momens, à faire prévaloir en toutes choses le principe de l’internationalisation absolue, en vertu duquel toutes les puissances auraient été placées exactement sur le même pied ; elle ne pouvait pourtant pas oublier tout à fait ses engagemens antérieurs et elle a eu, en fin de compte, la loyauté de les remplir. Nous avons obtenu, conjointement, avec l’Espagne, qu’on nous abandonnât l’organisation de la police dans les huit ports ouverts au commerce international. C’est nous-mêmes qui avons associé l’Espagne à notre tâche : voisine du Maroc comme nous, quoique sur une moindre étendue, nous estimions qu’elle avait un titre ana-