Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/720

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

séparation, et lorsqu’on a appliqué un de ses articles les plus inoffensifs, on a vu surgir l’émeute. Le gouvernement, l’ancien du moins, n’a eu aucun scrupule à employer l’armée pour vaincre la résistance des catholiques. Cette armée dont M. Clemenceau répugne si fort à user contre les ouvriers, on lui a demandé d’enfoncer la porte des églises. Il est vrai que ce n’est pas M. Clemenceau qui l’a fait ; il a pris le parti de supprimer la résistance en ajournant les inventaires. Mais ce n’est qu’un ajournement, on en recausera après les élections. Les choses en sont là. Ce n’est pas la paix, malheureusement ; c’est une simple suspension des hostilités.


Les dernières séances de la conférence d’Algésiras nous ont donné plus de satisfaction. Le dénouement, qui paraît prochain, sera acceptable et honorable pour tout le monde, mais ce n’est pas sans de longues difficultés qu’on y sera arrivé. Nous disions avant l’ouverture de la Conférence, et on disait aussi en Allemagne qu’il ne devait y avoir dans cette affaire ni vainqueur, ni vaincu. Ce n’est peut-être pas à ce résultat que tout le monde a constamment tendu, mais c’est celui auquel on a abouti. Dès que la Conférence a été ouverte, l’atmosphère générale en a paru bonne et conciliante. Les prétentions exagérées et tranchantes, qui peuvent se produire et se soutenir longtemps dans des négociations entre un petit nombre de puissances, changent inévitablement de caractère et de forme dans une conférence où toutes sont représentées. On a eu beau dire d’avance que la majorité ne suffit pas dans une conférence diplomatique et qu’il faut y avoir l’unanimité pour qu’une résolution y soit valable, il n’en est pas moins vrai que la majorité, surtout lorsqu’elle est considérable, qu’elle se compose des puissances le plus directement intéressées à l’affaire en cause, que ces puissances enfin sont de celles dont le poids ajoute un coefficient important à leur autorité, il n’en est pas moins vrai que cette majorité a une force morale à laquelle nul ne peut se soustraire. Si on le faisait, tout le système sur lequel repose l’équilibre de l’Europe en serait ébranlé, et c’est une conséquence dont personne ne veut. Les intérêts engagés dans la question marocaine ne valent pas qu’on s’y expose : d’autres, beaucoup plus grands, en seraient compromis.

On sait que nous ne sommes pas allés à la Conférence de notre plein gré : nous aurions préféré une entente directe avec l’Allemagne. Mais cette réserve faite, tant au point de vue historique qu’au point de vue politique, nous n’avons pas à regretter ce qui s’est passé à Algésiras. Les puissances qui y étaient réunies ont eu tout de suite