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nom sur leur tombeau ; combien cependant cachent aujourd’hui encore dans leurs bahuts bien clos une vieille argenterie armoriée ! Ils sont riches et hommes d’affaires habiles, malgré leur traditionnelle honnêteté.

Dès 1671 plusieurs familles nobles du pays de Galles, molestées pour refus de payer la dîme, étaient venues s’établir sur des terres qu’elles achetèrent aux Suédois. Le grand-père de Hugh Wynn, entre autres, laissa, par scrupule de conscience, à son frère cadet une propriété qu’avant la conversion qui l’arracha au luxe et aux plaisirs il avait grevée d’hypothèques. La race dont il a doté le Nouveau Monde serait passionnée, irritable et dure si le Saint-Esprit, qu’elle invoque sans cesse, ne l’empêchait de se laisser aller à l’emportement et à la contradiction. Mais tandis que le père du petit Hugh est sévère et taciturne, sa mère doit à une origine française des gestes prompts, gracieux, et la plus exquise sensibilité.

Leur maison familiale est semblable à celles que nous voyons encore à Philadelphie : un carré massif en brique rouge avec porche de style dorique. L’enfant part pour l’école vêtu de laine grise, tissée au logis, et coiffé du large chapeau plat qui le désigne déjà comme membre de la Société des Amis ; la mère porte avec élégance la robe grise, le fichu blanc, la coiffure caractéristique des quakeresses. Jamais son seigneur et maître n’a pu se résigner à l’appeler Marie, ni même par l’équivalent de ce nom papiste en anglais ; il lui défend de faire réciter à leur fils « Notre Père, » n’admettant que la prière improvisée qui jaillit du cœur ; point de formalisme. C’est l’opinion de tous les Amis, commensaux de cette maison hospitalière, quoique rigide. Aux yeux du petit Hugh, ces visiteurs sont tous pareils, de gros hommes au teint fleuri, coiffés de chapeaux ronds, vêtus d’habits bruns à col droit et à boutons de corne, une lourde canne à la main. On les reçoit dans une salle à manger dont la particularité la plus frappante est sur le plancher une couche de sable blanc ayant deux pouces d’épaisseur, et où sont dessinés des zigzags, des astragales.

De l’école mixte où les petites filles, pour être fouettées, ôtent le corset, pareil à une cuirasse, qu’elles portent par dessus leur corsage, Hugh passe à l’Académie, fondation du docteur Franklin. Les amusemens y sont fort limités, beaucoup de jeux étant défendus aux jeunes quakers. Hugh est