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ce qu’ils appellent les farces de Saint-Médard une répulsion invincible. Mais en admettant, ce qui est fort possible, des mensonges avérés et des supercheries odieuses, n’y a-t-il pas autre chose aussi ? Ne se trouve-t-on pas en présence de faits précis, qui ont été relatés avec un soin minutieux par des témoins honnêtes et absolument désintéressés ? Osera-t-on soutenir que des hommes comme Rollin, l’un des adeptes les plus fervens des convulsions naissantes, aient été des fous ou des niais ? Le moment n’est pas encore venu d’étudier à fond, avec une sérénité parfaite et une indépendance absolue, des questions si délicates. Il faut laisser aux savans, qui s’en occupent avec une méthode rigoureuse et un zèle admirable, le temps de se reconnaître, de bien examiner les faits, de les classer, de voir si ces faits ont des causes, et finalement quelles peuvent être ces causes. La Salpêtrière n’est plus aujourd’hui une sorte de bagne, c’est à la fois un hospice, un hôpital, et un laboratoire. On s’y intéresse aux choses d’aujourd’hui, et l’on cherche à les comprendre et à les expliquer en demandant à l’histoire les précieux renseignemens qu’elle peut donner. Or, l’histoire n’a pas encore dit son dernier mot là-dessus ; les passions seules ont été admises à juger, c’est-à-dire à exalter ou à dénigrer sans examen. Que l’on commence par supprimer, ne fût-ce qu’à titre provisoire, le mot de miracle que Montgeron, ses partisans et ses adversaires se sont trop pressés d’adopter, et qu’on lui substitue jusqu’à nouvel ordre, non pas ceux de prodige ou de fait merveilleux, mais tout simplement celui de phénomène ; que, d’autre part, on, atténue ce que peut avoir d’excessif le terme de convulsions pour ne parler que de mouvemens ou d’agitations ; qu’on laisse de côté, si la chose est possible, les préventions, les préjugés, de quelque nature qu’ils soient, et l’on se trouvera enfin dans de bonnes conditions pour étudier des faits qui, en définitive, ont étonné Paris, la France et même le monde. L’auteur du Tableau de Paris, Sébastien Mercier, n’est évidemment pas suspect de fanatisme, et pourtant voici en quels termes il a parlé des convulsions : « Les convulsionnaires ont fait des tours de force qui surpassent, il faut l’avouer, tout ce qu’on voit à la foire de plus étonnant en ce genre. Peu de gens en ont le secret ; aussi ces contorsions ont-elles le droit d’étonner et même d’effrayer les regards les plus intrépides et les esprits les plus en garde contre ! le merveilleux. On peut assurer que ces tours ont quelque chose