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contre les convulsions. Parfois, disent encore les Notes historiques, « M. Arouet lui représentait un monstre, » et les personnes présentes croyaient que c’était sans doute par rapport à Voltaire son frère. Enfin l’auteur des Notes assure que le Receveur des épices « s’absentait quelquefois, et pendant du temps, des assemblées où se passaient les divers états des convulsionnaires ; mais ensuite il revenait et demandait qu’on priât pour lui. » C’était en somme un convulsionniste intermittent, si l’on peut s’exprimer ainsi ; livré à lui-même il ne savait plus que faire, et il lui fallait une sorte d’entraîneur. Le cousin Archambault remplissait volontiers ce rôle, et Ton nous dit qu’il « avait soin de l’accompagner quand il le voyait mal monté, » c’est-à-dire apparemment quand il était quelque peu ébranlé par les discours que ne pouvaient manquer de lui tenir des parens, des amis, des admirateurs de Voltaire. On comprend ses perplexités, et l’on comprend aussi que les partisans de l’œuvre lui aient su gré de sa constance relative. Il mourut probablement d’un mal de jambe, dans son appartement de la Chambre des comptes, le 18 février 1745, et il fut inhumé le lendemain dans l’église de Saint-Barthélémy, sa paroisse, où reposait son père. A ses obsèques assistait « François Marie Arouette (sic) de Voltaire, bourgeois de Paris, demeurant rue Saint-Honoré, paroisse Sainte-Madeleine, » et ce représentant de la famille signa, c’est Jal qui nous l’apprend : « f. m. arouet de voltaire. » Il reprenait ce jour-là son nom de famille, mais sans lui faire l’honneur d’une lettre majuscule ; il était bien obligé de le reprendre, puisque ce nom d’Arouet le constituait héritier du défunt et lui assurait l’opulence.


Tel a été le frère de Voltaire, et l’on voudrait sans doute que les pages qui précèdent eussent une conclusion ; on souhaiterait un jugement motivé sur cet homme singulier et sur les phénomènes étranges qui l’avaient si vivement frappé. Cette conclusion serait prématurée, étant donné l’état actuel de la science, et pour juger équitablement le Frère à la bague il faudrait être au courant des choses que nul de nos contemporains ne connaît encore. « Pour tout l’or du monde et pour toutes les promesses du ciel, s’écriait l’auteur de Port-Royal, on ne me ferait pas étudier l’histoire du jansénisme convulsionnaire ; » et comme Sainte-Beuve, beaucoup de très bons esprits ont pour