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Tout cela découle du même principe. Nul ne doit remplir cette place que celui qui possède la confiance de l’Assemblée, et qui la possède dans un degré supérieur à tout autre. Tout le bien qu’il peut faire est en proportion de cette confiance.

Mais il ne suffit pas qu’il ait possédé une fois la confiance, il faut qu’il la possède continuellement. Si elle cesse, l’utilité de l’office cesse de même. Sans le pouvoir de destituer, le pouvoir d’élire seroit pis qu’inutile ; car le plus odieux des ennemis, c’est un ami infidèle. S’il falloit séparer ces deux pouvoirs, celui de destituer seroit bien préférable à celui d’élire.


Mais où cette force victorieuse d’analyse fait plus que d’apparaître, — éclate, — dans la dissertation de Bentham, c’est, d’abord, quand il montre, décrit et définit les « inconvéniens à, éviter, » lesquels, dit-il, « peuvent se ranger sous les dix chefs suivans :


1° Inaction ; 2° Décision inutile ; 3° Indécision ; 4° Longueurs ; 5° Querelles ; 6° Surprise ou précipitation ; 7° Fluctuations dans les mesures ; 8° Faussetés ; 9° Décisions vicieuses par la forme ; 10° Décisions vicieuses par le fond.


Et c’est quand, d’une main aussi souple que ferme, il établit une à une ces propositions, dont il résume en un raccourci saisissant l’intention démonstrative : « Chaque article du règlement aura pour objet d’obvier à l’un ou à l’autre de ces inconvéniens ou à plusieurs… Toute cause de désordre tourne au profit d’une influence indue, et amène de loin la tyrannie ou l’anarchie, le despotisme ou le démagogisme. Les formes sont-elles vicieuses ? L’Assemblée est gênée dans son action, toujours trop lente ou trop rapide, traînante dans les préliminaires, précipitée dans les résultats. Il faut même qu’une partie des membres se soumette à exister dans un état de nullité, et renonce à l’indépendance de ses opinions. Dès lors, il n’y a plus, à proprement parler, de corps politique. Toutes les délibérations se préparent en secret par un petit nombre d’individus, qui peuvent devenir d’autant plus dangereux qu’en agissant sous le nom d’une Assemblée, ils n’ont point de responsabilité à craindre[1]. » C’est aussi quand il distingue et, pour ainsi parler, il dissèque les « divers actes qui entrent dans la formation d’un décret : » — 1) promulguer d’avance les motions, les projets de loi, les amendemens ; — 2) faire la motion qui expose le projet ; — 3) occasionnellement,

  1. Tactique des assemblées législatives, ch. V, p. 67-68.