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membres qui doivent composer les commissions auxquelles l’Assemblée renverra la préparation des affaires importantes ou épineuses, ou qu’il forme de ces commissions à volonté.

On lui accorde assez généralement le droit de départager les voix, ou la voix prépondérante, en cas de partage dans les opinions ; ce privilège est énorme ; il ne faut point en faire l’apanage d’une place. La décision dépendroit trop évidemment d’une volonté particulière. Il faut reporter, le plus que l’on peut, cette voix décisive à la volonté générale qui, si elle ne peut prononcer directement, prononcera au moins indirectement. Il appartient donc aux bons principes que l’Assemblée élise la personne qui aura le droit de départager les voix, et à la bonne politique que ce ne soit pas toujours la même personne qui exerce cette fonction publique. Je propose de nommer tous les quinze jours trois membres parmi ceux qui jouissent d’une réputation de vertu, et, lorsqu’il y aura partage dans les opinions, les membres élus tireront au sort à qui restera la voix prépondérante. Mais je m’aperçois que je vais au-delà de ma tâche.

Il est vraisemblable qu’après avoir renfermé le Président dans ses véritables fonctions, on trouvera moins de difficultés à se rapprocher du principe d’égalité et de prudence qui veut qu’un Président des États-Généraux ne soit qu’hebdomadaire, et j’en dis autant de celui que chaque section, chaque bureau, chaque commission, doit élire dans son sein ; d’ailleurs, puisqu’on ne doit souffrir aucune prééminence entre les provinces, comme entre les sections, la mesure que nous proposons ici laisse aux États-Généraux l’avantage de choisir les Présidens alternativement dans chaque province et dans chaque section. Et qu’on ne dise point que les deux premiers ordres ne voudront jamais être présidés par un membre du Tiers, car on ne saurait être mieux et plus honorablement présidé que par celui que l’on choisit soi-même. Une exclusion positive n’est qu’une [injure gratuite pour les personnes, et une absurdité dans les affaires.


Ainsi l’abbé Sieyès veut des présidens qui non seulement soient indépendans de la couronne, qui non seulement ne soient pas les hommes du roi, chargés par ses ministres de tenir ses États pour y faire prévaloir ses volontés, mais encore qui, pour n’être pas soupçonnés de céder à une influence extérieure à l’Assemblée, n’aient aucune influence sur l’Assemblée, et qui, pour n’en avoir aucune, soient, d’une part, « renfermés dans leurs véritables fonctions » et, d’autre part, éminemment temporaires, « hebdomadaires. » C’est tout justement le contraire que voudrait Bentham, au moins quant à la durée ; ou plutôt il veut la même chose que Sieyès, — et comment ne pas la vouloir ? — mais par le moyen opposé. Ce que Sieyès demande au changement, il le demande à la permanence : Un Président, — unique, — permanent, — toujours subordonné à l’Assemblée, — n’y exerçant d’autres fonctions que celles de son office, — élu par