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Philosophie de Lamartine[1] pour sujet d’une thèse de doctorat. Cette étude consciencieuse est d’autant plus solide qu’elle se défend d’être systématique. La première partie surtout, consacrée à la recherche des sources de la philosophie du poète, est neuve et instructive. Dans la seconde où il suit, à travers les différens recueils de Lamartine, le progrès et le développement du poète, l’auteur a eu le bon goût de ne pas en surfaire le mérite et de ne pas leur donner dans l’histoire de la pensée moderne une importance qu’elles n’ont certainement pas, et que Lamartine lui-même n’a jamais songé à leur attribuer.

Celui-ci n’a jamais cru que le poète fût, dans le sens où l’entendait Victor Hugo, un mage et qu’il eût, avec le don de cadencer ses strophes, reçu la puissance de pénétrer les secrets de la nature et la mission de tenir, sur le chemin des peuples, le rôle de flambeau. On sait assez qu’il n’estimait pas si haut la poésie et qu’il en a toujours parlé avec une modestie plus sensée. Mais précisément parce que la poésie, réduite à sa seule vertu, lui paraissait un assez frivole divertissement, il a été très frappé de l’avantage qu’il y avait à unir poésie et philosophie, persuadé au surplus qu’à une certaine hauteur, métaphysique, histoire, poésie, éloquence se rejoignent. Dans l’avertissement de la Mort de Socrate, en 1823, il écrit : « La métaphysique et la poésie sont deux sœurs ou plutôt ne sont qu’une, l’une étant le beau idéal dans la pensée, l’autre le beau idéal dans l’expression. Pourquoi dessécher l’une et avilir l’autre ? » Dans les Destinées de la Poésie (1834) : « La poésie ne sera plus lyrique, au sens où nous prenons ce mot, elle n’a plus assez de vigueur ; elle ne sera plus dramatique, le drame va tomber au peuple. La poésie sera de la raison chantée ; elle sera philosophique, religieuse, politique, sociale, comme les époques que le genre humain va traverser. » Dans le Cours de littérature, — où il s’amende si souvent et confesse plus d’une erreur, — il écrit, en 1856 : « Toute poésie qui ne se résume pas en philosophie est un hochet. » C’est donc là une opinion persistante, une conviction qui n’a pas varié, et la théorie même de Lamartine.

Sa pratique a été conforme à sa théorie. Dans les vers antérieurs aux Méditations, on rencontre déjà une Épître sur l’amitié. Les Méditations contiennent de véritables dissertations morales, telles que l’Homme, la Providence à l’homme, etc. À cette époque, la poésie philosophique se présentait à Lamartine sous la forme du discours en

  1. Marc Citoleux, la Poésie philosophique au XIXe siècle : Lamartine, 1 vol. in-8o (Plon).