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Castro, au cours des négociations, avait demandé à racheter le câble côtier et que la Compagnie y avait consenti. Bientôt de nouveaux actes de même nature viennent aggraver le premier : le 8 septembre, M. Brun, fondé de pouvoirs de la Compagnie, est expulsé. Le 16, le chef du poste de la Guayra fait constater officiellement le refus des autorités de laisser circuler les dépêches sur le câble côtier. Le même jour, M. Taigny, sur l’invitation de son département, adresse au général Ybarra, ministre des Relations extérieures, une protestation ferme mais courtoise ; M. Ybarra y répond le 18 par une contre-protestation conçue en termes violens et injurieux pour le chargé d’affaires de France : anticipant sur l’issue d’un procès encore pendant, il y déclare que la Compagnie des câbles est convaincue d’avoir eu « une attitude éminemment subversive et révolutionnaire dans les jours de la guerre funeste qui a sévi au Venezuela, et que le gouvernement de la République française paraît assumer en cette circonstance la responsabilité de cette Compagnie ; il termine en disant : « Le gouvernement vénézuélien ne continuera pas à traiter d’affaires de caractère diplomatique et de bonne amitié avec le gouvernement français par l’intermédiaire de son représentant actuel à Caracas tant qu’il n’aura pas reçu les explications satisfaisantes que requiert la bonne amitié entre nations. »

Que s’était-il donc passé, et comment M. Taigny, persona grata le 15 août, devenait-il persona ingratissima le 15 septembre ? Dans les premiers jours de septembre, on était informé à Caracas que les trois délégués renonçaient pour le moment à s’embarquer et que les banques hésitaient à s’engager dans l’affaire ; en même temps, le Président apprenait ou devinait que le chargé d’affaires de France avait consciencieusement renseigné son gouvernement sur la situation financière du Venezuela et sur les dangers qu’une aussi grosse opération, dans un pareil pays, pourrait présenter pour l’épargne française. À ces nouvelles, le dictateur eut un accès de colère folle, et c’est à partir de ce moment qu’il voua à M. Taigny une inexpiable rancune. Une partie de son entourage l’excitait aux mesures violentes : autour de lui, depuis longtemps, deux coteries rivales, ou, si l’on veut, deux syndicats d’intérêts louches, se (disputaient les bénéfices du futur emprunt ; le chef de l’un de ces groupes, perdant tout espoir de supplanter son rival et de réaliser lui-même une opération qui promettait d’être si fructueuse, se mit à pousser à la