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l’entrée en France, soit au tarif général de trois cents francs, soit au tarif minimum de cent trente-six francs ; le tarif général est appliqué aux provenances des pays qui ne nous accordent pas des avantages compensateurs suffisans ; il devait donc l’être au Venezuela avec qui nous étions en état de rupture diplomatique. Il souffrit beaucoup de cette guerre douanière ; les négocians de Hambourg profitèrent de l’embarras des planteurs pour ne leur offrir que des prix très inférieurs ; la baisse s’accentua et le change monta. Le président Castro comprit la nécessité de céder et signa le protocole du 19 février 1902. Cet acte n’abroge pas le fameux article 5 de la convention de 1885, mais il y introduit une exception ; il stipule que les indemnités réclamées par des Français du fait des événemens insurrectionnels de 1892 seront examinées par deux arbitres, un Français et un Vénézuélien, qu’un tiers arbitre devait départager en cas de désaccord ; il en sera de même des réclamations fondées sur des faits antérieurs au 23 mai 1899, date de l’avènement du président Castro ; mais il est entendu que cette procédure est exceptionnelle et que les Français ayant subi des préjudices postérieurement au 23 mai 1899 devront s’adresser aux juridictions ordinaires.

Le président Castro, malgré le protocole du 19 février, ne montrait aucun empressement à reprendre les relations diplomatiques ; décembre arrivait sans qu’il eût désigné un représentant à Paris ; mais, à ce moment il se décida à faire partir un de ses hommes de confiance, le général Velutini, fils d’un Français de Corse, mais devenu Vénézuélien et tout à fait adapté à la vie et aux mœurs du pays. Le dictateur se sentait alors menacé d’une crise grave ; il redoutait l’intervention que préparaient contre lui l’Allemagne et l’Angleterre et il comprenait la nécessité de jeter du lest en donnant à la France des satisfactions apparentes et en tâchant de séparer sa cause de celle des autres puissances européennes. Cette crise de 1903 est le moment critique où les affaires vénézuéliennes auraient pu être réglées pour longtemps et où le retour périodique des complications diplomatiques aurait pu être prévenu ; mais le Venezuela n’était alors, et ne sera jamais, pour les grandes puissances, qu’une préoccupation secondaire : la politique générale vint se mêler à leur action pour l’entraver et en fausser le résultat.

L’Allemagne a, au Venezuela, des intérêts moins importans que les nôtres, mais considérables cependant ; elle y compte plus