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relatives à l’inviolabilité de la propriété, de la correspondance, du domicile, à la liberté de la presse et de réunion, au droit de voyager sans passeport, de changer de domicile, de s’absenter du territoire de la république ou d’y revenir avec des biens personnels. Le succès, un succès relatif, reste finalement au plus énergique : en octobre 1902, Castro livre à Victoria une bataille longue et acharnée qui ne paraît pas décisive ; mais il en profite pour crier victoire, faire une rentrée triomphale à Caracas et persuader à ses sujets qu’il a dompté définitivement ses ennemis. Depuis lors, son pouvoir est un peu moins précaire ; ses adversaires ne réussissent pas à s’entendre ; leurs tentatives sont isolées, sporadiques, et le dictateur, entouré de 3 000 de ses compagnons des Andes, en vient assez facilement à bout.

Tout le vocabulaire de la liberté politique européenne est couramment usité au Venezuela ; les institutions représentatives figurent dans la constitution ; les pouvoirs du Président sont théoriquement limités dans leur durée et dans leur étendue ; malheureusement toute cette façade libérale n’est qu’une amorce et un trompe-l’œil : en réalité c’est l’omnipotence d’un seul qui régit l’Etat. Il n’y a pas de partis politiques ayant un programme et prêts à lutter pour des idées ; il n’y a que des coalitions d’intérêts et des haines sociales au service d’ambitions individuelles. Le pouvoir législatif n’est qu’une fiction. Le Congrès fait le geste d’élire le Président ; il se contente, en réalité, de ratifier les choix de l’émeute ou de valider la désignation du Président sortant ; c’est lui au contraire qui est élu selon le bon plaisir du maître. Le Congrès a l’air de discuter des lois ; il ne vote, en réalité, que sur les lois que lui propose le Président et toujours dans le sens qui lui plaît ; il ne contrôle que ce que le pouvoir exécutif veut bien lui soumettre. Nous avons vu comment les garanties légales sont également un leurre puisque le Président les suspend selon son bon plaisir. Il en est de même de la justice : elle est représentée par plusieurs institutions d’apparence imposante, mais qui ne sont en réalité que des dépendances du pouvoir exécutif ; les juges sont les créatures des présidens qui, lorsqu’ils y sont intéressés, dictent les sentences. Nous verrons comment, avant comme après le jugement rendu contre la Compagnie française des câbles, le président Castro a négocié avec le cabinet de Paris sur les termes de l’arrêt, offrant de