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LE CONFLIT FRANCO-VÉNÉZUÉLIEN


La République française a rompu ses relations diplomatiques avec les États-Unis du Venezuela, et si le canon n’a pas encore parlé, si peut-être il ne parlera jamais, c’est d’abord parce que nous n’avons, avec cette lointaine république sud-américaine, aucun point de contact ; c’est aussi, sans doute, parce que, chez nous, de plus urgens soucis absorbent l’attention du gouvernement et du public. Notre différend avec le président Castro et le Venezuela mérite cependant d’être pris, sinon au tragique, du moins au sérieux : nos nationaux sont nombreux au Venezuela et y possèdent des exploitations agricoles, des maisons de commerce, des intérêts de toute nature qui font honneur à leur énergie et à leur esprit d’entreprise ; le Venezuela est un pays riche de ressources naturelles, et la rivalité des puissances qui s’y disputent l’influence et les affaires ne saurait nous laisser indifférens ; enfin, et cette raison dispenserait des autres, le représentant de la France a subi, de la part du président Castro, une injure que nous ne pouvons dédaigner parce que notre dignité nationale en serait blessée et le bon renom de notre pays diminué.

Comment se fait-il, dès lors que les intérêts de nos nationaux et l’honneur du nom français se trouvent engagés, que ni le gouvernement, ni l’opinion publique, n’en paraissent émus ? Les préoccupations légitimes que nous donne la conférence d’Algésiras n’expliquent que partiellement une telle indifférence ; il faut, pour la mieux comprendre, chercher d’autres raisons. Dès qu’il s’agit de l’Amérique du Sud, le public français est mis en défiance : Cosas de America ! dirait-il volontiers comme