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le gouvernement lui-même a pris l’initiative de publications propres à devancer les demandes des intéressés. Sous son patronage s’est formée une société de savans à laquelle a été confiée la mission de rechercher, de classer et de publier la presque-totalité des documens relatifs aux trois règnes de Catherine, de Paul Ier et d’Alexandre Ier. La volumineuse collection des « Archives russes » non encore achevée représente le résultat de ce laborieux effort. Entre temps, les archives Woronzof et les archives Nesselrode ont livré leurs trésors à la publicité. Enfin, dans ces dernières années, c’est un prince de la famille impériale de Russie, le grand-duc Nicolas Mikhailowitch qui vient prendre sa part dans ce grand mouvement de révélations historiques et contribuer dans une large mesure à l’ornementation de l’édifice documentaire que son pays est en train d’élever.

Ainsi que nous l’apprend M. Frédéric Masson dans l’avant-propos qu’il a mis en tête de la dernière publication du prince, — celle dont nous allons entretenir nos lecteurs, — le grand-duc Nicolas avait formé depuis longtemps, dans sa résidence de Borjom, une bibliothèque spéciale comprenant les livres, en quelque langue que ce fût, ayant trait aux années contemporaines de la Révolution et de l’Empire et une collection de pièces manuscrites originales trouvées dans les Archives de l’État et comblant les dernières lacunes que laissaient subsister les découvertes antérieures. Créée sous l’influence d’un désir passionné de trouver la vérité, de la divulguer, cette collection n’a guère de rivale en Europe ; elle atteste, autant qu’une rare compétence, une volonté ferme et persévérante constamment tendue vers un but précis. Grâce à la situation privilégiée du grand-duc, toutes les archives d’Etat, les plus secrètes et les mieux gardées se sont ouvertes pour lui, et « en accédant à des sources auxquelles, jusqu’ici, personne n’avait puisé, » il s’est familiarisé avee l’œuvre qu’il rêvait d’entreprendre.

Cette œuvre a commencé à prendre corps en 1901 par la publication d’un premier essai consacré aux princes Dolgorouki, collaborateurs de l’empereur Alexandre durant les premières années de son règne. Composé de notices biographiques, cet essai, qui malheureusement n’a pas été traduit en français, était accompagné de documens qui éclairent d’un jour nouveau les événemens survenus de 1801, date de l’avènement d’Alexandre,