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et se déclare « résolu » à remplir ce devoir. Mais il indique, dès maintenant, quel doit être le caractère de la résistance dans toutes les occasions où il y a lieu de résister. L’inventaire, l’inoffensif inventaire, a paru en être une à un certain nombre de catholiques. Est-ce l’avis du Pape ? Il n’en dit rien. Il estime sans doute que c’est aux évêques et aux curés à le faire. Nous avons vu que la plupart d’entre eux ont cru qu’il y avait lieu de protester contre l’inventaire, et, après cela, de laisser les agens des domaines remplir leurs fonctions. « Et maintenant, messieurs, leur disaient-ils, faites votre besogne ! » Mais tous les fidèles n’ont pas été aussi pacifiques ; le préfet de Seine-et-Oise en a su quelque chose. Si nous ignorons ce que le Pape pense de l’inventaire, l’Encylique nous donne du moins quelques lumières sur la manière dont il juge le genre de résistance qu’on lui a opposé. S’adressant aux pasteurs, il leur dit : « Les membres de ce clergé comprendront que, dans cette tourmente, ils doivent avoir au cœur les sentimens qui furent jadis ceux des apôtres, et ils se réjouiront d’avoir à subir des opprobres pour le nom de Jésus… Ils revendiqueront vaillamment les droits et la liberté de l’Église, mais sans offenser personne. Bien plus, soucieux de garder la charité, comme le doivent surtout des ministres de Jésus-Christ, ils répondront à l’iniquité par la justice, aux outrages par la douceur et aux mauvais traitemens par des bienfaits. » C’est la règle évangélique. Le Pape la rappelle aux curés et aux évêques, et il leur laisse le soin de la rappeler eux-mêmes aux fidèles, au troupeau, à la multitude qui doit obéir. Cette évocation de la charité lui a semblé opportune. Ce n’est certainement pas nous qui le contredirons. Les catholiques ont les mêmes droits que les autres citoyens ; nous les avons toujours réclamés pour eux et nous ne cesserons pas de le faire ; mais aucun citoyen n’a celui de résister à la loi par la force matérielle. Nous savons bien que certains l’ont fait ; l’histoire en fournit des exemples qui leur ont quelquefois réussi ; mais est-ce aux catholiques à les imiter ? Évidemment le Pape ne le croit pas, et il le dit. Peut-être aurait-il attendu quelques jours encore avant de le faire, si les désordres provoqués par les inventaires ne l’avaient pas en quelque sorte sollicité à élever la voix tout de suite. Il n’a pas voulu attendre davantage pour déterminer le genre de résistance qu’il est permis aux catholiques d’opposer à une loi injuste. En aucun cas, a-t-il déclaré, elle ne doit être exempte de charité.

On nous accusera peut-être de ne pas reproduire exactement le sens de l’Encyclique : nous avons, en effet, commencé par la fin.