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Dans leur jardin bien clos, des oiseaux chantaient sur les branches des saules. Les azalées s’étaient épanouies. Une haute lanterne de pierre scintillait au soleil entourée de sa cour d’arbres nains. Délicieux asile ! La poésie familière de la vie japonaise y collaborait avec la thérapeutique européenne ; et tout ce qui venait d’Europe y avait pris une physionomie naturelle. Une tendresse, inconnue jusqu’ici, pour les plus farouches épaves de la misère humaine circulait dans la lumière adoucie des jardins et des chambres C’était toujours le Japon, mais, comme ce voile dont Hugo a drapé sa Magdaléenne, « plein de rayons nouveaux et de parfums anciens. »


— Je suis très content que vous ayez vu cette maison, me disait, quelques instans plus tard, le résident européen qui m’en avait ménagé l’accès. Les Japonais que vous connaissez n’auraient pas eu l’idée de vous y conduire. Ils préfèrent vous promener dans les infects bureaux de leur Préfecture, dans leur Musée Commercial et leur Hôtel de la Monnaie. Voilà des monumens dont ils sont fiers et qui les égalent à nous ! L’intéressant, ce n’est pas de constater qu’ils ont des maçonneries comme les nôtres et des administrations en redingote ; c’est de trouver chez eux les idées occidentales harmonieusement adaptées aux formes japonaises. Ce médecin des aliénés appartient à la bonne bourgeoisie d’Osakâ, intelligente, laborieuse, de sentimens assez réactionnaires, mais douée d’initiative. Son hôpital, où les méthodes européennes, bien étudiées et bien comprises, sont appliquées, assouplies et affinées par l’habileté et la dextérité japonaises, vous prouve, mieux, que ne le feraient les édifices du gouvernement, les sérieuses acquisitions de ce peuple et combien, dans un cadre et sous des apparences immuables, son esprit a changé. Il ne se contente plus d’imiter ; il commence à transposer. Le Japon sera vraiment un très grand pays quand il ressemblera tout entier à cet asile de fous.


LA GRANDE INDUSTRIE


Osakâ, 20 mai.

Le soleil décline : les canaux se teignent de pourpre à la lumière et de lilas dans l’ombre. L’Hôtel, le grand Hôtel Européen, tenu par des Japonais grossièrement américanisés, est