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laissé à l’Afghanistan, sous la réserve toutefois qu’il serait neutralisé, qu’on n’y élèverait aucune fortification, qu’il n’y serait maintenu aucune troupe, de manière que cette bande de terrain jouât le rôle de tampon entre les deux grands empires.

De son côté, Abdurrhaman a rendu à l’Angleterre le plus signalé service en réalisant ce que n’avaient jamais pu faire ses quatre prédécesseurs sur le trône afghan, Chah-Soudja, Dost-Mohammed, Shere-Ali et Yacoub : il a organisé l’État afghan. Il sut obtenir l’obéissance des tribus pourtant si jalouses de leur demi-indépendance et si turbulentes. Il s’attacha en outre à se fortifier contre une attaque possible du dehors en élevant des travaux de fortification le long de la frontière russo-afghane. Hérat et plusieurs autres points de l’Afghanistan furent fortifiés sous la direction d’ingénieurs anglais. Le gouvernement de l’Inde, pour lui faciliter la mise en état de défense de cette région, ayant décidé de lui allouer une somme de deux millions qui fut portée à trois millions en 1893, à la suite de la mission de sir Mortimer Durand à Caboul et pour dédommager l’émir de la cession à l’empire anglo-indien de ses territoires à l’est des monts Souleïman, Abdurrhaman employa loyalement cet argent à organiser une armée et à l’approvisionner d’armes et de munitions.


V

Le dernier traité anglo-afghan et l’avenir des relations anglo-russes dans l’Asie Centrale.

À la mort d’Abdurrhaman survenue en 1901, le but poursuivi depuis un siècle par l’Angleterre, après bien des erreurs, des tâtonnemens et des fautes, était atteint. D’une part, l’Afghanistan était devenu un État organisé et armé ; d’autre part, il était subordonné dans ses relations extérieures à l’Angleterre, et cette subordination était reconnue par la Russie et par la Perse. Tout récemment un dernier accord est intervenu avec son successeur Habibulla. Lord Curzon qui, au cours de sa vice-royauté, avait déjà consolidé l’influence britannique dans le golfe Persique et ouvert le Thibet au commerce anglais, a voulu resserrer les liens d’amitié unissant l’Afghanistan à l’empire anglo-indien et a envoyé à Caboul une mission à la tête de laquelle était M. William Dane, secrétaire général de l’Inde pour les Affaires