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commissaire de police doublé d’un gendarme. On se serait épargné bien des difficultés en retardant les inventaires ou en hâtant le règlement. Mais, dit-on encore, la loi est formelle : elle prescrit l’inventaire dès sa promulgation, tandis que, pour faire le règlement, elle donne trois mois. A quoi nous répondrons que le gouvernement n’a pas pris ces prescriptions au pied de la lettre, puisqu’il a laissé s’écouler près d’un mois avant de procéder aux inventaires. N’aurait-il pas pu attendre quelques jours de plus ? Personne ne le lui aurait reproché. Il a trois mois pour le règlement d’administration publique, nous le voulons bien ; c’est la limite qu’il ne peut pas dépasser ; mais rien ne l’oblige à l’épuiser, et cependant tout porte à croire qu’il est décidé à le faire. Ces retards étonnent et inquiètent. Quoi de plus naturel ?

Le Saint-Père, avons-nous dit, attend tout le premier que la Commission ait fait son règlement et que le Journal Officiel l’ait publié pour se prononcer sur la loi de séparation. On comprend cette réserve, mais cela n’empêche pas d’en regretter les effets. L’Église catholique est une hiérarchie fortement constituée, où toute l’autorité est en haut et descend jusqu’en bas par une série d’organes dépendant les uns des autres. Tel est le principe : seulement ce principe n’a de valeur pratique que s’il est sans cesse en action, nous allions dire s’il est toujours vivant. L’autorité suprême cesse-t-elle de s’exercer un seul jour, les organes de transmission n’ont-ils rien à transmettre, les conséquences de cette immobilité et de cette stérilité sont beaucoup plus graves dans l’Église catholique que dans toute autre. Il en résulte inévitablement une certaine anarchie. Les fidèles, qui n’ont pas l’habitude de la liberté qu’on leur laisse, sont enclins à en abuser. Quand le Pape aura parlé, disent-ils, nous obéirons ; mais, jusque-là, nous n’en ferons qu’à notre tête. Et chacun en fait à la sienne, ceux-ci dans un sens et ceux-là dans l’autre. Nous n’étions pas sans avoir quelque peu prévu ces désordres lorsque nous exprimions le désir, aussitôt après la loi de séparation, que les évêques de France se réunissent sans plus de retard pour constituer une autorité intermédiaire entre les fidèles et le Pape, ou entre le Pape et les fidèles. Il nous semblait que l’Église de France, abandonnée à elle-même après sa rupture avec le gouvernement, avait besoin plus que jamais d’une direction ferme, et nous cherchions d’où elle pourrait lui venir. Mais, pour des motifs respectables sans nul doute, les évêques ne se sont pas réunis et le Pape s’est tu. Alors, plus de direction d’aucune sorte. Les fidèles s’en sont allés à la débandade, et on les a vus dans beaucoup d’églises échapper à l’autorité trop faible des curés pour leur