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discrète et rusée personne, Catherine Parr, qui, poussée dans les bras du Roi par le parti catholique, a peut-être plus travaillé qu’aucune de ses devancières à servir les ambitions et les haines de l’autre parti.

Je n’essaierai pas, cependant, de résumer ici les conclusions historiques du livre de M. Hume : le sujet est trop vaste, trop délicat aussi, et exigerait une compétence qu’il m’a été impossible d’acquérir, malgré plusieurs semaines employées à lire les savans ouvrages de Froude, de M. Pollard et de dom Gasquet[1]. Car il n’y a pas, pour ainsi dire, un seul point de quelque importance sur lequel ces trois historiens d’Henri VIII soient parvenus à se mettre d’accord ; et M. Hume, bien que son impartialité soit aussi évidente que le parti pris de ses trois confrères, diffère d’eux sur trop de points pour qu’un lecteur, et surtout un lecteur étranger, puisse se donner l’apparence d’accepter ses jugemens, en les répétant sans les contrôler. C’est ainsi que, pour lui, Henri VIII n’aurait été « qu’un être faible, frivole, vaniteux, constamment prêt à devenir le jouet de ses passions ; » mais M. Pollard nous affirme que « le bonheur a été grand, pour la paix et le bien-être matériel de l’Angleterre, que celle-ci ait eu à sa tête, durant l’une des heures les plus difficiles de son histoire, un homme, et un homme qui a su mesurer le danger, qui a osé l’affronter, qui a consacré tout son pouvoir à faire ce que sa situation et les événemens lui ordonnaient de faire. » D’après M. Hume, Henri, bien loin de rêver le triomphe du libre examen, n’aurait jamais cessé, jusqu’au bout, d’être, ou tout au moins de se croire un fervent catholique, d’autant plus attaché au dogme de l’ancienne Église qu’il s’imaginait en être, lui-même, le véritable pape, dans son royaume ; mais M. Pollard nous parle, à plusieurs reprises, de ses « penchans anti-cléricaux. » Et tandis que M. Hume nous laisse entendre, à chaque page de son livre, que la majorité du peuple anglais aurait eu de grandes chances de rester catholique, sans les « goûts matrimoniaux » d’Henri VIII, M. Pollard nous assure que, « si Henri VIII n’avait pas été là, l’orage de la Réforme ne s’en serait pas moins déchaîné sur l’Angleterre, » et que c’est l’action personnelle d’Henri, « avec son respect des formes légales, » qui, seule, a empêché cet orage d’être aussi violent qu’il

  1. M. Pollard a fait paraître tout récemment, à Londres (librairie Longmans) une nouvelle édition de sa biographie d’Henri VIII. C’est un livre d’une science considérable, mais d’une lecture, malheureusement, un per ennuyeuse. A la même librairie, dom Gasquet, après d’autres excellens travaux, vient de publier un ouvrage, tout plein de renseignemens nouveaux et spéciaux, sur les Monastères, anglais sous le règne d’Henri VIII.