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Corday, « la grande misère mentale » n’est que l’exagération de ces petites misères. « Tenez, s’écrie Parrot, voyez autour de vous, toute la petite cour. Croyez-vous qu’ils ne sont pas tous plus ou moins fêlés, les camarades ?… Réfléchissez aux légers coups de pouce » qui en feraient « des fous complets… Question de mesure. »

Pour le professeur Bernheim, les crises de l’hystérique, quelle que soit leur forme, « ne sont que l’exagération d’un phénomène habituel d’ordre psychophysiologique. » Elles constituent uniquement « une réaction psychophysiologique exagérée. » L’hystérie n’existe pas. Il y a des gens plus ou moins nerveux, à réaction nerveuse plus ou moins vive. Et cette conception s’étend à toutes les névroses si, avec Dubois de Berne, on fond l’hystérie dans un grand groupe complexe de psychonévroses, qui comprend aussi la neurasthénie, l’hystéroneurasthénie, les formes légères d’hypocondrie et de mélancolie et qui, comme l’a dit le docteur Maurice de Fleury, replonge tous les nerveux dans le vieux chaos du nervosisme.

Voilà le premier principe de cette théorie établi : il y a sériation continue du normal au fou ; l’humanité entière forme un bloc unique au point de vue de l’état psychique et mental.


Le deuxième principe se déduit facilement du premier : il ne faut pas diviser les hommes en responsables et irresponsables ; il n’y a qu’une série continue de gens, tous plus ou moins irresponsables.

Le professeur Bernheim a admirablement développé cette doctrine. La suggestion supprime la responsabilité ; ceci est évident : un individu à qui on suggère, dans l’hypnose, de commettre un crime et qui le commet, n’est pas responsable. Mais, d’après Bernheim, le mot suggestion a un sens très étendu et comprend la persuasion, le conseil, la prédication… tous les moyens qu’a un psychisme d’exercer une action sur un autre psychisme. La suggestion est toute idée acceptée par le cerveau, « que cette idée vienne par l’oreille, exprimée par une autre personne, par les yeux, formulée par écrit ou consécutive à une expression visuelle, qu’elle naisse en apparence spontanément, réveillée par une impression interne ou développée par les circonstances du monde extérieur, quelle que soit l’origine de cette idée, elle constitue une suggestion. » « Ainsi envisagée, la doctrine de la