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saurai plus où donner de la tête si je ne suis secouru prompte-nient et efficacement. L’Angleterre seule le peut. Intelligenti (j’ajoute en cette occasion et amanti) pauca. Rappelez-vous ce que je vous ai écrit dernièrement, mais bien loin de prévoir encore ce qui m’arrive. Jamais, je n’eus plus besoin du zèle de mon ami et de la générosité du roi d’Angleterre. »

Le 18 février, nouveaux et plus poignans aveux :

« Je ne vous dirai qu’un mot de ma situation ; elle est au comble de la détresse. Quant aux détails, je m’en rapporte au comte de la Chapelle, qui possède à bon droit votre confiance et la mienne et que j’envoie en Angleterre non seulement pour vous informer de ce qui s’est passé et de l’état où je suis, mais aussi parce que j’ai jugé indispensable qu’un témoin oculaire et irréprochable fît sentir aux ministres la nécessité et l’urgence des secours que je sollicite. » Enfin, en arrivant à Varsovie, presque réduit aux expédiens, il presse encore son frère : « Je me recommande de plus en plus à vous pour hâter une décision qui me devient de jour en jour plus nécessaire. M. de la Chapelle vous parlera sur ce point. Mais, ce qu’il ignorait et que je n’ai moi-même appris que depuis ma lettre écrite, c’est que, non seulement, mon traitement de Russie est fini pour moi, mais que celui qui a négocié à Riga l’emprunt qui m’a mis en état de partir, y est retenu par ordre de l’Empereur jusqu’à ce que la somme soit remboursée. »

À cette époque, telle est la pauvreté de Louis XVIII que, pour la première fois, il se voit contraint de refuser des secours à ceux de ses partisans qui se sont montrés les plus fidèles à sa cause, les plus ardens à le servir. « Il ne vous est que trop facile de deviner la réponse à faire au duc de Laval. Je ne suis pas sûr d’avoir du pain pour mes enfans et pour moi-même. Je n’en peux plus donner aux autres. Il m’est dur de revenir sans cesse à ce pénible sujet. » C’est le 12 mars qu’il est réduit à cet humiliant refus. Encore quelques semaines, et ce sera pire. Il devra se résoudre à morigéner la Reine qui, par des dépenses exagérées, s’est endettée, à lui déclarer qu’il ne peut venir à son secours pour le payement de ses dettes et que c’est à ceux qui dirigent sa maison « de guérir cette plaie par les réformes les plus rigoureuses. »

Pendant ce temps, en Angleterre, le Comte d’Artois s’efforçait d’obtenir du gouvernement britannique les secours dont son