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donner de l’air pur au voisinage. Comme les corneilles et les merles qui l’habitent n’acquitteront pas l’Income tax, c’est moi qui paierai pour eux !

Voilà pour ce qu’on appelle pompeusement « les réformes sociales. » Ces réformes suffiront-elles à satisfaire les prolétaires que le suffrage universel, — ou presque universel, — vient de jeter dans le Parlement ? Quelle place y tiendront-ils ? Comment vont-ils s’y comporter ? Il leur serait difficile de s’y conduire plus mal que les jeunes gentlemen, sortis des public schools et des Universités, qui se serraient derrière M. Balfour et qui pratiquaient avec un art consommé l’imitation vocale des animaux les moins parlementaires, tels que le chien, le coq et le cochon. Tous ces ouvriers-députés sont socialistes. Ici, comme ailleurs, le socialisme est la grosse bêtise qui obstrue l’intelligence de l’ouvrier et l’empêche de prendre sa part légitime dans la direction des affaires publiques. Mais je constate que le mot de socialisme fait hausser les épaules aux jeunes gens. Pour eux, c’est le vieux jeu, la toquade d’hier dont demain ne voudra plus. L’un d’eux disait récemment : « Le socialisme est rétrograde au point d’être préhistorique. Il nous rejette de vingt mille ans en arrière. »

Le vrai péril socialiste est aujourd’hui dans les administrations locales. Là se tiennent embusqués des entrepreneurs louches, des brasseurs d’affaires, des banquiers véreux, des ingénieurs plus ou moins diplômés. Jugeant les compagnies à responsabilité limitée complètement usées et les syndicats suspects, ils se couvrent de l’idée socialiste, du long et grand mot (sesquipedalia verba ! ) de municipalisation, et le mot est aussi dangereux qu’il est long. Avec John Burns au Local Government Board, il est à craindre qu’on ne « municipalise » beaucoup sous le ministère Campbell Bannerman.

À l’extérieur, la politique du nouveau cabinet ressemblera à ce que l’on avait baptisé ironiquement, en 1874, une magistrale inertie, a masterly inactivity. Le mot s’appliquait alors aux tories, mais il semble avoir été inventé pour les libéraux de 1906. Le cabinet Campbell Bannerman, c’est la paix. Donc ceux de nos compatriotes qui voyaient dans l’entente cordiale un danger peuvent être rassurés et ceux qui y découvraient un espoir doivent être détrompés.

Que pense le Roi ? C’est une question que nul n’ose discuter tout haut, mais que bien des gens se posent tout bas. L’attitude