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maintenant hors de cause : tout le monde sait d’ailleurs que son passé est celui d’un radical, et les radicaux n’ont pu le renier qu’en l’accusant de les avoir trahis. On comprend qu’ils n’aient pas voté pour lui ; mais pourquoi ont-ils voté pour M. Fallières ? Pourquoi, puisqu’ils prétendent avoir la majorité, n’ont-ils pas choisi un président qui eût toujours partagé leurs idées, et toujours lutté pour l’application de leur programme ? Les hommes ne leur manquaient pas. Ils avaient M. Brisson, M. Bourgeois, M. Combes. Ils ont écarté tous ces bons et dignes radicaux pour aller emprunter un candidat au parti modéré. Ils l’ont démarqué à la hâte et l’ont poussé sur le pavois. Qu’est-ce que cela prouve, sinon que, quelque forts qu’ils soient ou qu’ils se disent, ils ne le sont pas assez pour triompher sous leurs propres couleurs ? Leur candidat ne pouvait être élu qu’à la condition de leur apporter un appoint personnel de voix modérées, et, à cet égard, le choix de M. Fallières était le meilleur possible. M. Fallières, en effet, a, dans les groupes auxquels il a autrefois appartenu, des sympathies qui lui sont restées fidèles. Il était difficile de le faire passer pour un radical dangereux. De là son succès qui, quoi qu’on en ait dit, n’est pas tout à fait un succès radical-socialiste. Qu’on ne nous accuse pas de dénaturer le sens de l’élection ; nous nous efforçons, au contraire, de le préciser ; et ce n’est pas disputer aux radicaux leur victoire que de montrer au moyen de quels procédés ils l’ont remportée.


Les élections anglaises sont toute une révolution. On savait bien que le parti conservateur serait vaincu, mais on se demandait dans quelle proportion il le serait, et l’opinion la plus générale était qu’il conserverait une minorité très respectable. En réalité, il a été écrasé, et on ne trouverait peut-être pas dans toute l’histoire électorale de l’Angleterre une défaite aussi complète que la sienne. Que reste-t-il aujourd’hui de l’importante majorité que les élections dernières avaient donnée aux conservateurs ? Il en reste 153 voix, tandis que les libéraux en ont 375, les Irlandais 84, le parti ouvrier 49. Il manque encore quelques résultats au moment où nous écrivons, mais leur nombre est insignifiant. Les libéraux ont gagné 193 sièges et les ouvriers 38. Quant aux Irlandais, leur contingent est resté à peu près le même. La question que tout le monde se posait avant les élections était de savoir si le cabinet libéral aurait la majorité sans eux : elle est aujourd’hui résolue en faveur du gouvernement dont la liberté et l’indépendance sont entières.