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rendre leur usage plus universel que la résine occupe une large place dans la constitution des savons anglais de certaines marques. Employée dans des intentions moins honnêtes, le résine sert aussi aux manufacturiers à ménager l’huile dans certains savons destinés à des emplois industriels.

Il est arrivé quelquefois à un chimiste facétieux de jouer un mauvais tour à un ami désireux de se laver les mains à fond, en lui présentant, avec le savon indispensable, une cuvette remplie non d’eau pure, mais d’eau aiguisée d’acide sulfurique ou chlorhydrique. Le nettoyage alors devient impossible parce que l’acide minéral décompose le savon, s’empare de la soude et met en liberté l’acide gras qui ne détache pas. Tel est aussi le moyen peu compliqué, en apparence du moins, qu’emploie le chimiste pour isoler et reconnaître l’acide gras qui sert de base à un savon. L’acide gras surnage ; il est facile de le séparer, de le dessécher, de le peser et, au besoin, de le neutraliser, à nouveau par l’alcali, De la donnée expérimentale de la pesée d’acide on revient au poids de l’huile génératrice en multipliant la masse trouvée par un coefficient convenable ne surpassant l’unité que de 5 p. 100 environ. Il est plus délicat de déterminer la nature même de l’huile, lorsque, par exemple, il y a intérêt à ce que l’olive ait fourni la matière première. Tantôt on traite l’acide gras par les vapeurs nitreuses qui le concrètent en cas de pureté, et c’est un procédé dû au pharmacien marseillais Poutet ; d’autres fois, on recourt à l’indice d’iode, c’est-à-dire au poids d’iode exprimé en grammes que peuvent fixer 100 grammes de l’acide gras suspect.

Cette dernière méthode est excellente pour déceler les huiles de graines ajoutées à l’olive, mais le fraudeur, de son côté, peut la déjouer en ajoutant judicieusement un peu de coprah, par exemple. Alors l’indice d’iode se confondra avec celui de l’huile d’olive. Lorsque le savon décèle ses composans par une odeur sui generis, le savonnier, avant de procéder à la cuisson, peut ajouter à son mélange d’autres corps qui masquent et détruisent le principe odorant. Le tour est joué et, il faut l’avouer, bien joué. De même le coton, intelligemment surchauffé, perd quelques-unes de ses propriétés chimiques caractéristiques. Ce qui complique le rôle du chimiste expert, c’est la variation, sans cesse renouvelée, des fraudes qui s’intervertissent et se déplacent mutuellement suivant les variations des cours qui, elles-mêmes,