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sécession. Ce jour-là, l’unité nationale de la France s’est retrouvée aussi forte qu’aux meilleurs jours de notre histoire.

Et il y aurait lieu peut-être aussi d’être inquiet de l’avenir moral de notre pays, si, à côté des deux Frances qu’étudie M. Seippel, il n’y avait pas… la France tout simplement. M. Seippel du reste serait le premier à en convenir. Et l’on résumerait assez exactement son livre en disant que, d’après lui, il y a deux Frances qui n’en font qu’une, mais que la vraie France…, c’est la troisième.


Les deux Frances sont-elles toute la France ? — se demande-t-il dans une aimable et brillante page. — Certainement non. Il en est une troisième à laquelle nous voulons réserver la première place, parce que c’est la France que nous aimons, celle à laquelle nous devons beaucoup dans le passé et qui a encore de beaux exemples à nous donner : la France du clair bon sens, de la droiture intellectuelle et morale ; l’héritière de tout ce qu’il y a de meilleur, de plus sain, de plus généreux dans le génie de ce peuple si richement doué. Cette France-là a été, à travers les siècles, et demeure encore l’un des plus ardens foyers de la civilisation européenne, et si ce foyer-là venait à s’éteindre, la nuit serait près de tomber sur notre monde occidental. Elle a fait preuve à travers les âges d’une vitalité intellectuelle merveilleuse. On la croit épuisée, elle se relève plus vaillante que jamais et plus féconde. Sa littérature compte près de dix siècles de production en pleine sève. Son art, que tant de moissons de chefs-d’œuvre n’ont point épuisé, demeure sans rival par le sens inné de l’harmonie et de l’élégance. Et qu’il fait bon séjourner en ce pays dont le ciel a la douceur « angevine » chantée par Du Bellay ! Que ses horizons largement ouverts, baignés d’une lumière fine, s’accordent bien avec son vif et clair langage ! Pourquoi donc, se dit-on sans cesse, tant de discordes sous un ciel si clément, pourquoi ; tant de haines ? La vie semble si bonne ici ! On y sait encore, quoi qu’ils disent, conserver le secret d’être aimable. On y cause, on y sourit. Et que les Français de vieille race savent mettre dans leurs amitiés de cordialité enjouée, délicate et réchauffante ! Rencontrer sur cette terre un honnête homme est toujours un don du ciel : s’il vient de France, le don est inestimable ; car il est honnête homme sans effort, avec grâce et avec goût. On sent en lui raffinement d’un long passé de haute culture.

Oui, cette France-là dont on ne parle point assez, sans doute parce que ses sœurs tapageuses ne font que trop parler d’elles, cette France exquise est pourtant la vraie France. Son cœur est chaud ; son esprit est fait de clarté et de juste mesure. Ceux qui ne l’aimeraient point seraient doublement à plaindre : ils auraient l’intellect béotien et l’âme ingrate. Dieu nous garde de la méconnaître comme elle se méconnaît elle-même !…


Certes, cette France existe ; et M. Seippel, qui n’est point Béotien, en sent vivement le charme. Mais est-elle, à proprement parler, « la vraie France ? » Et cette vraie France, M. Seippel