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ses démarches et, en réalité, il ne laisse voir que de la satisfaction.

« J’ai reçu, mon cher frère, vos lettres des 27 et 30 juillet. C’est surtout à la première que je vais répondre. Le parti que le ministère britannique paraît avoir pris à votre égard et sur lequel j’avais déjà reçu quelques avis me fait peine et plaisir. Il me fait peine par la douleur que votre éloignement va causer aux royalistes de l’Ouest. En vain, sauront-ils que vous avez une autre destination ; en vain, verront-ils M. le duc de Bourbon prêt à vous remplacer, ce dédommagement ne les satisfera pas. Ils accuseront le gouvernement britannique de les abandonner, peut-être même de les trahir et cette idée peut avoir des résultats funestes. Voilà le côté fâcheux ; voici le bon. Cette démarche du gouvernement britannique est une preuve de sa bonne foi, car, quoique j’eusse mieux aimé que, profitant des ouvertures que vous lui avez faites à l’égard de Lorient ou de Saint-Malo, il vous eût transporté à l’Ouest, l’activité qu’il vous donne d’un autre côté le Justine, car s’il eût voulu, rien ne lui était plus aisé que de vous retenir à Edimbourg, en vous amusant par de belles paroles et j’y vois le corollaire de la lettre que le roi d’Angleterre m’a écrite.

« D’un autre côté, cette mesure me sera, j’espère, utile à moi-même et l’Angleterre prenant à votre égard un parti aussi décisif, j’ai lieu de me flatter que l’empereur de Russie qui a toujours été si fort en avant des autres, ne voudra pas rester en arrière et que j’obtiendrai enfin de sortir de ma cruelle et pernicieuse inaction. L’armée de Souvarow et celle de Korsakow sont en ce moment toutes les deux aux portes de la France et que je fusse à l’une ou à l’autre, je serais bien aisément et bien vite à celle qui entrerait la première. Enfin, vous vous trouverez à portée de mon agence de Souabe et les relations actives qui s’établiront entre vous et elle ne pourront avoir que des effets avantageux. »

Les espérances exprimées dans cette lettre ne devaient pas se réaliser. Quelques jours plus tard, Monsieur mandait à Mitau que sur le conseil de Wickham, le ministère britannique ajournait indéfiniment l’exécution de son projet. D’autre part, l’empereur Paul, dont la volonté n’était probablement pas étrangère à cet ajournement, refusait à Louis XVIII l’autorisation de se porter à l’armée de Souvarow. Il lui signifiait son refus en ces termes : « Ce n’est pas aux armées et aux frontières que vous