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observa que, si l’on voulait tirer quelque parti de ses relations avec le ministère britannique, il était essentiel qu’il conservât vis-à-vis de ce ministère assez de consistance pour n’être pas considéré comme amoindri. Donnée et acceptée avec ces amendemens, la démission fut aussitôt transmise au Roi. En la lui adressant, Monsieur insistait sur la nécessité de ne pas la faire connaître.

Le Roi fut plus surpris que satisfait des réserves dont elle était accompagnée. Le comte d’Avaray, qui méprisait Puisaye et le tenait pour « un drôle, » avait fait partager à son maître cette opinion ; Louis XVIII était pressé de se débarrasser du personnage et de le remplacer. Il donnerait ainsi satisfaction à la grande majorité du parti royaliste, qui s’étonnait que cette mesure n’eût pas été déjà prise et que le Roi gardât à son service un homme qui l’avait si mal servi. Animé de cette conviction, loin de déférer aux conseils de son frère, il désigna sur l’heure le remplaçant de Puisaye et, au lieu de choisir le prince de Rohan proposé par le Comte d’Artois, il choisit le comte de Chalus. Ce gentilhomme avait commandé sous les ordres de celui dont l’emploi lui était octroyé ; il s’était vaillamment conduit à Quiberon ; il jouissait d’un grand renom en Bretagne et méritait la confiance et l’estime. Les princes et les royalistes lui en avaient donné précédemment maints témoignages.

Le Roi lui écrivit pour lui faire connaître celui que de nouveau il lui accordait. En lui ordonnant de se considérer désormais comme commandant en chef de Bretagne dans la partie où le comte de Puisaye avait rempli la même fonction, il l’invitait, ainsi qu’il l’avait déjà fait sur tous les points du royaume, à faire entrer les royalistes dans les gardes nationales qui se formaient alors. Il lui transmettait en même temps ses instructions et ses ordres en vue du rôle qu’il l’appelait à remplir.

Au moment d’expédier cette lettre, il se demanda s’il devait l’envoyer à Monsieur en le chargeant de la faire parvenir ou s’il l’enverrait par la voie de ses agens de Paris qui étaient en communications constantes avec la Bretagne et la Vendée. Finalement, c’est à ce dernier parti qu’il s’arrêta, en laissant ses agens juges de l’opportunité de sa décision. Mais, comprenant la nécessité d’avertir son frère de ce qu’il avait fait, il le lui mandate 7 septembre.

Au sujet de la lettre destinée à Chalus, il lui disait :