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porteur, M. Charles Benoist, a réfuté toutes les objections et démontré définitivement l’utilité de la réforme. Dans les pays qui ont vraiment acquis les mœurs de la liberté, les discussions sont très vives, mais les méthodes sont très franches ; l’ardeur des adversaires n’empêche pas le respect mutuel. Les Belges ont introduit dans les bureaux de vote les témoins ; chaque liste a deux représentans : libéraux, catholiques et socialistes ont ainsi droit de séance autour de la table du scrutin[1] ; leur présence contribue non seulement à la parfaite régularité des opérations, mais elle a le mérite supérieur d’écarter tout soupçon.

Arrivons au vote lui-même, à l’acte qui consacre la liberté de l’électeur et dont toutes les formalités que nous avons énumérées ne sont que les conditions préalables. Comment en assurer la garantie essentielle, c’est-à-dire le secret ? Notre loi se contente de prescrire la préparation du bulletin en dehors de la salle du vote et d’annuler les bulletins dans lesquels les votans se seraient fait connaître. Conformément aux usages de nos lois, le législateur s’est borné à écrire le principe, tandis que les lois étrangères au contraire ont multiplié les détails. Pour assurer le secret, elles n’ont rien négligé : plus le courant démocratique entraînait vers le suffrage populaire et plus on a senti le besoin de protéger l’électeur contre la pression extérieure. Les Anglais qui tenaient jadis au scrutin public, l’ont abandonné, et chacune de leurs lois électorales s’est attachée à entourer le secret de garanties nouvelles. En France, les réformateurs se sont attachés à une seule précaution : frappés des efforts faits par les maires pour reconnaître au toucher, selon la nature du papier, le vote de l’électeur, ils ont réclamé le vote sous enveloppe. Depuis plus de quarante ans, les propositions déposées en ce sens échouent successivement. Pendant ce temps les Belges comme les Hollandais, les Anglais comme les Américains, opéraient une réforme radicale, en ne permettant pas à l’électeur de voter sur un papier de son choix. Un bulletin de vote officiel, imprimé par les soins de l’autorité, et portant les noms de tous les candidats est remis par le président du bureau à l’électeur qui se présente. Le papier officiel, le seul dont on puisse se servir, empêche toute indiscrétion.

  1. Loi électorale belge du 28 juin 1894, art. 165 et 166. Les dispositions relatives aux témoins et aux témoins suppléans sont très précises ; elles montrent l’importance attachée à ce contrôle et mériteront d’être étudiées de près lorsque le législateur français reprendra sérieusement la réforme.