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à l'Ouest. Ce fut la cause du désastre. Là furent pris la plus grande partie des 40 000 prisonniers, 3 ou 4 000 cavaliers en réserve à Moukden, envoyés rapidement pour fermer l’ouverture ou pour balayer le détachement japonais dont la force était insignifiante, auraient sauvé la situation.

Comment les Japonais, malgré l’infériorité numérique de leur cavalerie, en ont-ils tiré parti ? Dès le commencement de la campagne, ils ont employé pour la découverte des pointes d’officiers accompagnés d’un très petit nombre de cavaliers. Nous avons vu que le service de sûreté était assuré au moyen de petits détachemens mixtes, généralement disposés en échiquier et marchant sur un très grand front. Leur cavalerie était toujours soutenue à courte distance par de l’infanterie (derrière laquelle elle se repliait au besoin), le combat à cheval restant une exception des plus rares, tandis qu’elle employait sans cesse le combat à pied. Les Japonais n’ont pas commis la faute de demander à leur cavalerie des renseignemens qu’aucune cavalerie ne peut maintenant donner, quoique les règlemens partout en vigueur continuent à lui imposer le devoir d’éclairer le général en chef sur la composition des forces de l’adversaire. Les renseignemens de cet ordre étaient donnés par un espionnage organisé depuis plusieurs années en Corée et en Mandchourie. Les Japonais n’avaient pas perdu de vue que ce service ne peut pas s’improviser au moment d’une guerre. Seuls, les loisirs de la paix permettent de lui donner le développement nécessaire, pour que les renseignemens arrivent rapidement et sûrement. Une anecdote donnera la mesure de l’organisation. A la fin de février 1905, le quartier général de Kouropatkine était à Sahetoun, à 10 kilomètres au Sud de Moukden, près de l’embranchement à voie large construit pour relier Moukden à l’armée de l’Est à Fouchoun. Le général en chef avait résolu de prendre l’offensive le 25 février. La préparation des ordres avait lieu dans le plus grand secret. Le 25 février, on découvrit que ces ordres étaient connus d’un service d’espionnage organisé à Moukden par un officier supérieur japonais qui y résidait depuis fort longtemps. Le contre-ordre fut aussitôt donné.

Dans la bataille, les Japonais ont employé leur cavalerie d’une manière logique, c’est-à-dire comme une troupe dont le feu est le mode essentiel d’action et qui peut être portée à l’endroit voulu avec rapidité.