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8 mars, échouèrent. A l’extrême gauche également, les Russes opposèrent une résistance insurmontable et même, le 28 février, à Kaotouling, ils s’emparèrent d’une batterie. Mais les Japonais avaient formé à l’Ouest une colonne de 6 500 cavaliers, accompagnée d’artillerie et de 1 000 fantassins. Cette troupe, formant échelon avancé de gauche de l’armée du général Nogi jusqu’alors dissimulée derrière le rideau des détachemens de flanc du général Okou, s’était mise en mouvement dès le 27 février, et le ler mars elle chassait de Sinminting les deux régimens de dragons russes. Les têtes de colonne de l’armée de Nogi suivaient, formant une série d’échelons, la gauche en avant, de manière à pouvoir se rabattre sur la droite russe en faisant face à l’Est. Le 3 mars, l’armée de Nogi déployée, précédée par un rideau formé de détachemens mixtes, marche sur Moukden dont elle n’est plus qu’à 15 kilomètres.

La cavalerie russe, incapable de percer le rideau, n’a pu donner aucun renseignement utile, si bien que le général Kouropatkine ne croit avoir affaire de ce côté qu’à une démonstration sans importance. Le 6 mars, il envoie encore à Pétersbourg des dépêches rassurantes, car sur tout son front, depuis le Sud de Moukden, jusqu’à l’Est de Tita, sur un espace de 80 kilomètres, partout les Japonais ont été repoussés avec des pertes considérables. Mais le 6 au soir, le danger apparaît. L’armée du général Kaulbars a dû changer de front en continuant le combat, donnant ainsi une preuve de solidité remarquable. Du 7 au 8 mars, les Japonais ne gagnent sur elle que 5 kilomètres. Mais le 9 au soir la bataille est définitivement perdue. Pourquoi la cavalerie russe n’a-t-elle pas agi en masse et par le feu comme celle de Sheridan à Five-Forks ?

Tout pouvait être sauvé ! Elle eût retardé le mouvement de Nogi et donné à Kaulbars le temps de former, face au Sud, des échelons, la gauche refusée. L’attaque japonaise, forcée de s’étendre au lieu de se resserrer, s’épuisait, la victoire russe devenait probable. Mais un autre point de vue est à considérer. Une armée sur la défensive est obligée de conserver de nombreuses réserves. Il lui est en effet difficile de discerner, au commencement d’une bataille, où se porteront les principaux efforts de l’ennemi. La grande force de résistance des fronts conduit à placer les réserves vers les ailes. Encore faut-il qu’elles soient composées de manière à pouvoir intervenir à temps. En raison de l’énorme étendue des fronts de combat, l’infanterie, qui ne se