Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 30.djvu/959

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Russie et voici comment. « Il n’est pas un d’entre vous, a-t-il dit, qui ne se félicite à l’heure actuelle de cette action violente et révolutionnaire qui vient d’arracher ce pays au tsarisme et le pousser dans la voie de la liberté. » M. Sembat, on le voit, ne parlait pas seulement pour lui et pour ses amis, mais pour toute la Chambre. Les protestations se sont élevées à peu près sur tous les bancs, sauf, faut-il le dire ? sur celui du gouvernement. Il n’y avait là, pour le moment, que M. le ministre de l’Intérieur et M. le ministre du Commerce : soit qu’ils n’aient pas trouvé le mot à dire, soit qu’ils aient jugé plus prudent de ne pas le prononcer, ils se sont tus. Il a fallu qu’à la séance suivante, M. le président du Conseil vînt suppléer au mutisme regrettable de ses deux collègues, et il l’a fait, hâtons-nous de le dire, dans les meilleurs termes. Il a exprimé la sympathie du gouvernement de la République à la « nation amie et alliée, » en affirmant que la France entendait lui rester fidèle au milieu de ses épreuves, sans avoir d’ailleurs à s’immiscer dans sa politique intérieure. M. Rouvier a été couvert d’applaudissemens. Les socialistes ont essayé de protester ; mais, en face du soulèvement presque unanime de la Chambre, ils ont adopté une autre tactique. Ils ont eu l’air, — distinction puérile ! — d’être satisfaits de en que M. Rouvier avait dit la « nation » et non pas le « gouvernement » russe, et ils ont laissé tomber l’incident. Il aurait mieux valu ne pas le soulever. Il en restera pourtant les déclarations de M. Rouvier.


Tous les journaux, en France et ailleurs, continuent de parler du discours que le prince de Bülow a adressé, il y a quelques jours, au Reichstag, discours qui est lui-même la paraphrase de celui que Guillaume il avait prononcé à l’ouverture du parlement impérial. Le discours de l’Empereur n’était empreint d’aucun optimisme. « L’Allemagne, y lit-on, entretient des relations correctes avec toutes les puissances et des relations bonnes et amicales avec la plupart d’entre elles. » Les qualificatifs appliqués à ces dernières relations sont chauds ; mais ceux qui s’appliquent aux premières sont froids. Sans examiner si nous faisons partie, ce qui est probable, des puissances de la première catégorie, voyons ce que l’Empereur dit expressément de nous. Il ne pouvait pas ne pas parler et il parle, en effet, des difficultés qui se sont produites au Maroc : elles n’ont eu, dit-il, « d’autre cause qu’un penchant à résoudre sans notre coopération des questions dans lesquelles l’empire allemand a aussi des intérêts à protéger. » Et il ajoute aussitôt, sans doute pour ne pas nous