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une vérité. M. Combes sait fort bien que le pays n’aura ni le temps, ni le moyen de se rendre compte des effets de la loi avant les élections d’avril, puisque, à ce moment, aucun de ses effets ne se sera encore produit. La première, et même les premières années de l’application de la loi, le pays n’y verra rien du tout. Avons-nous besoin de dire que la loi a, très sagement d’ailleurs mais aussi très habilement, ménagé pour son application une période de transition à degrés successifs qui en rendra les premiers résultats absolument insensibles ? C’est au bout de plusieurs années seulement que le véritable caractère en apparaîtra manifestement. Lors donc que M. Combes se plaint qu’on ait calomnié la majorité des Chambres et qu’il annonce gravement que le pays saura, par l’expérience même, à quoi s’en tenir sur ce point avant le mois d’avril prochain, on a le droit de lui répondre par le mot de Basile : « Qui trompe-t-on ici ? » Ce n’est pas pour éclairer le pays, mais pour le tromper, qu’on veut l’application immédiate de la loi. Plus tard interviendra et s’exécutera la seconde partie de la déclaration de M. Combes, celle qui est sincère et vraie. M. Combes ne croit pas plus que nous que l’Église et l’État ne se connaîtront plus, ne se verront plus, n’auront plus aucun rapport le lendemain ou le surlendemain de la séparation. Les difficultés et les heurts entre eux seront les mêmes que par le passé : le tampon seul manquera. Après l’avoir constaté, M. Combes proposera de légiférera nouveau. Ce qu’il a fait pour la loi sur les associations qu’il a si heureusement complétée, il le fera pour la loi de séparation. La source d’où est sortie cette loi n’est pas tarie ; elle coulera encore, et longtemps ! Si l’Église parvient à s’organiser solidement, si elle use avec succès des libertés qui lui ont été provisoirement reconnues, en un mot, si elle reste forte, et surtout si elle le devient davantage, radicaux et socialistes s’empresseront de lui faire subir des amputations nouvelles. Mais alors, que deviendra l’apaisement qu’on nous a promis ? Cette ère nouvelle, que la loi devait nous ouvrir, sera plus troublée que l’ancienne. Ce n’est pas nous qui en serons surpris, car nous l’avons prévu et annoncé : mais qu’en pensera le pays ? On ne le saura que plus tard. A la veille des élections, M. Combes et ses amis auront pu lui dire avec la bonne foi qui les caractérise : — Vous voyez bien que rien n’est changé.

Nous exagérons d’ailleurs un peu en prêtant au gouvernement et à la commission un langage toujours libéral dans la forme et toujours respectueux des croyances religieuses. Eux aussi ont laissé apercevoir à plus d’une reprise, le fond de leur pensée. Leur éloquence naturelle