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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 décembre.


La loi de séparation de l’Église et de l’État a été votée par le Sénat le 6 décembre, à une majorité de 80 voix. Nous mentionnons le fait sans y insister, en ayant par avance et à maintes reprises signalé, ici même, le caractère inévitable. La discussion de la loi a été plus longue qu’on ne s’y était attendu, brillante dans son ensemble et, sur plusieurs points, très approfondie ; mais l’effort des orateurs de la minorité n’a pas même abouti à faire changer un seul mot dans le texte voté par la Chambre. Le président et le rapporteur de la commission ont beaucoup félicité le Sénat de l’admirable exemple de discipline qu’il donnait : l’histoire portera un jugement très différent. À quelque point de vue qu’on se place, on ne saurait admettre qu’une assemblée délibérante renonce à délibérer, et c’est y renoncer que de se condamner d’avance à ne donner aucune conclusion pratique à un débat auquel on ne se livre que pour la forme, sans utilité, sans liberté vraie, sans dignité. Mais tout a été dit à ce sujet : à quoi bon le répéter ? Nous nous bornerons à signaler l’excellent et éloquent discours par lequel M. Méline a clos le débat. Plusieurs sénateurs, avant d’émettre leur vote, sont montés à la tribune pour l’expliquer. Ils l’ont tous fait avec courage et talent ; quelques-uns, comme M. Gourju, avec vigueur et avec esprit ; mais aucun avec autant d’ampleur que M. Méline. Il a montré les périls que la loi fait courir à l’État sous prétexte de l’affranchir : et de quoi l’affranchit-elle, en effet, si ce n’est du droit qu’il avait et dont il s’est dépouillé de nommer les évêques et les curés ? Rien n’y a fait : le vote était acquis d’avance. M. Méline ne l’ignorait pas, mais il parlait pour le pays ; devant lequel toutes les responsabilités devaient être nettement établies. Le