Page:Revue des Deux Mondes - 1905 - tome 30.djvu/822

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grands corps qui furent constitués, ou dans le nombre des principaux fonctionnaires nommés. Mais bien résolu dès lors de ne plus figurer sur la scène révolutionnaire, et d’autant plus exempt de toute ambition qu’il s’était passionné-pour l’étude et la pratique des choses religieuses, il ne voulut en aucune manière, ni alors, ni après, ni dans aucun temps, rentrer dans la carrière politique. M. le conseiller d’État Jourdan[1], auquel il eut l’occasion de confier, dans ce temps-là, sa façon de penser, peut en rendre témoignage.

« A l’époque du renouvellement du culte en France, le sieur Isnard, qui n’avait plus d’autre désir que de se rendre utile par la manifestation des sentimens religieux auxquels ses malheurs l’avaient ramené, publia un ouvrage sur l’immortalité de l’âme, dont les notes se rattachent jusqu’à un certain point à sa vie politique…

« Le sieur Isnard demande, comme une grâce, que, s’il était quelqu’un qui, ne le considérant que sous le rapport de ses anciens erremens, le jugeât digne d’être lapidé, il voulût bien, avant de lui jeter la première pierre, lire cet écrit où son âme s’est montrée à nu. Comme les notes théosophiques qui accompagnaient cet ouvrage, pouvaient être sujettes à controverse sous le rapport théologique, le sieur Isnard, par une délicatesse puisée dans le sentiment religieux, les supprima dans sa seconde édition. Elle parut, augmentée d’un dithyrambe sur le même sujet, et Sa Sainteté le Pape, alors en France, daigna agréer l’hommage de cette édition nouvelle, après qu’elle eut été mise sous les yeux de Son Éminence Mgr le cardinal de Bayane[2].

« Depuis le retour du Roi, le sieur Isnard a continué d’habiter Paris, parce que le séjour en est plus paisible que celui des contrées méridionales. Ses fréquentations et ses occupations ont été analogues aux sentimens religieux qui font le charme de sa vie. Admis, à raison de ses principes connus, dans une réunion de personnes distinguées qui a duré plusieurs mois et dont les exercices de piété faits en commun formaient le lien, il était d’autant plus assidu aux prières qui s’y faisaient chaque jour,

  1. André-Joseph-Jourdan, né à Aubagne en 1757, mort à Marseille en 1831, membre du Conseil des Cinq-Cents, préfet et baron de l’Empire, conseiller d’État et directeur des affaires ecclésiastiques sous la Restauration.
  2. L’abbé de Bayane, d’une des plus anciennes familles du Dauphiné, après être resté longtemps à Rome comme auditeur de rote, avait été fait cardinal en 1802. Il fut sénateur sous l’Empire et pair de France sous la Restauration.