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profondeur, et autour duquel tourne un escalier où notre esprit peut s’engager, descendre, et descendre encore à perpétuité, sans jamais en atteindre la fin.

« Je me concentrai donc chaque jour davantage, et j’en vins au point de vivre uniquement, quant à l’esprit, dans moi-même. Des milliers d’espions étaient à ma recherché ; le glaive fatal était suspendu sur ma tête, et je n’y songeais pas ! Le torrent de la Révolution roulait en flots de sang à la lueur des incendies, au bruit de la guerre ; j’étais placé dans le lieu même où bouillonnait sa source[1], et je ne l’entendais pas ! Ce philosophe de l’antiquité qui traçait des cercles à l’instant même où l’ennemi saccageait la ville, où des soldats enfonçaient sa porte pour l’égorger, était moins absorbé dans son problème que je ne l’étais dans la solution des vérités divines.

« Ma pensée conservant toute sa force, et débarrassée de tout ce fatras de systèmes entassés, depuis des siècles, dans des milliers de volumes écritures de la main des hommes, cherchait à approfondir les pages mystérieuses de ce grand livre de la nature, où son auteur écrivit en langue universelle, en caractères ineffaçables, et pour tous les hommes, la première des révélations.

« C’est à la suite de ces longues méditations, -filles du malheur, du recueillement, de la prière, que j’établis dans mon esprit les bases de mon opinion en matière religieuse, dont l’immortalité de l’âme est une des principales.

«… Ce qui donne, à mes yeux, le plus grand poids à ce système[2] et me rassure, c’est qu’il est parfaitement en harmonie avec les révélations du christianisme, ses dogmes et ses mystères, dont, par lui, on peut découvrir en grande partie l’immense profondeur. Ces mystères et ces dogmes ne paraissent ridicules à tant de personnes que parce qu’on n’en connaît pas le sens spirituel et interne ; et que ceux qui ont voulu les expliquer, les ont souvent rendus encore plus invraisemblables, parce que, n’ayant pas aperçu le vrai sens spirituel, ils les ont interprétés d’après la lettre, oubliant que Paul leur avait dit : La lettre tue et l’esprit vivifie. Le système adopté donne en partie la clef du sens interne, spirituel, et alors ces mystères, loin de

  1. Dans Paris et au faubourg Saint-Antoine. (Note d’Isnard.)
  2. C’est-à-dire la métaphysique d’Isnard, dont, sa théorie de l’immortalité de l’âme n’est qu’un chapitre.