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en même temps cette espèce de considération ou de respect qu’inspire au paysan « le fonctionnaire du gouvernement ! » La régénération viendra d’ailleurs ; et, s’il se préparait, en France depuis une vingtaine d’années, un réveil de la pensée catholique, dont nous avons ici même plus d’une fois signalé les progrès, nous craignons que la loi de séparation, bien loin de le favoriser, n’en interrompe ou n’en trouble le cours. Il serait aisé de prouver qu’on l’a faite en partie pour cela.

Mais nous disons que toutes ces raisons ne sont point des raisons de renoncer à la lutte, et surtout elles n’en sont point de ne pas vouloir voir, et de ne pas essayer de « réaliser » les quelques avantages que nous laisse la loi de séparation. Il faut, si nous le pouvons, nous « accommoder » de la loi qu’on nous impose ; nous ne saurons si nous le pouvons qu’après l’avoir essayé ; et si nous ne le pouvons décidément pas, c’est alors, mais seulement alors, qu’au regard de l’opinion, nous serons en droit de dire qu’une telle impossibilité, démonstrative de notre bonne volonté, l’est en même temps du fanatisme et de la déloyauté de l’adversaire.

On ne s’étonnera pas, d’ailleurs, ou du moins je l’espère, qu’un laïque éprouve le besoin d’exprimer, lui aussi, sa pensée, dans une question de cette nature. Incapables que nous sommes généralement, en France, de nous soumettre quand il le faudrait, nous compensons cette « indépendance, » qui n’est, à vrai dire, que de l’indiscipline, par une docilité fâcheuse, ou même coupable, en d’autres occasions ! Disons-le donc ici naïvement, et sans attendre davantage, puisque aussi bien tout cet article ne sera qu’une expression de cette conviction : chacun de nous a le droit de croire, — puisqu’il y va de sa conscience, — que les intérêts de la religion qu’il professe ne lui importent pas moins qu’à son évêque ou au Souverain Pontife lui-même, quoique d’une autre manière ; et, s’il craint, comme dans les circonstances présentes, de voir ces intérêts gravement compromis, pourquoi n’aurait-il pas le droit, à ses risques et périls, d’examiner, de discuter et, au besoin, de suggérer les moyens qui lui sembleront propres à les sauvegarder ? Rationabile sit obsequium nostrum. Si nous nous trompons, on nous le dira ! et si c’est l’autorité légitime qui nous le dit, nous nous soumettrons, nous nous soumettons d’avance. Mais en attendant, et sous cette unique restriction, nous osons croire que le laïque n’est incompétent,