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J’ignore si j’entrai dans l’infernal séjour
Par la porte de corne ou la porte d’ivoire,
Car je suis remonté du fond de la nuit noire,
Nouveau Pirithoüs qu’éblouissait le jour.

J’ai vu l’Ombre ; j’ai vu hurler Cerbère aphone
En l’éternel silence où règne Perséphone
Sur le Léthé, le Styx et le Cocyte lent ;

Et j’ai vu fuir, vengeurs qu’épouvante un grand spectre,
Aux bords du Phlégéthon où roule un flot sanglant,
Oreste pâlissant que suit la pâle Electre.


LES ROSTRES[1]


Franchis l’arc triomphal qui croulera demain
Et regarde, plus vaste à la splendeur nocturne,
Du lac de Curtius à celui de Juturne,
Ce qui naguère fut le grand forum romain.

Un vil peuple y débat le sort du genre humain
Et le vote vénal emplit la ciste et l’urne.
Les consuls sont muets, le Sénat taciturne.
Un homme tient le monde et Rome dans sa main

César a rebâti la tribune aux harangues ;
L’univers y défile et dispute en cent langues ;
Bientôt on y verra des rhéteurs de Thulé.

Plus loin gisent épars sous la poussière et l’herbe
Les vieux Rostres. C’est là que Gracchus a parlé
Et l’airain vibre encor de la rumeur du verbe.

  1. Ce sonnet était destiné à une édition monumentale des Trophées que prépare actuellement M. Descamps-Scrive, de Lille, avec des illustrations d’Olivier Merson.