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jouant les pièces de clavecin qu’on lui avait données. Son père avait beau lui répéter que « français, » en matière de musique, signifiait inévitablement « vide, glacial, pitoyable : » à la chapelle royale, chez lui, dans les rues, l’air qu’il respirait était si imprégné de musique française que sa petite âme ne pouvait tarder beaucoup à s’en imprégner elle-même. Malgré lui, peut-être, il prêtait maintenant une forme et une couleur françaises à ces rêves musicaux qui sans cesse s’agitaient en lui, toujours prêts à prendre corps dès que, par miracle, un hasard lui fournissait l’occasion d’interrompre ou d’espacer un peu la fatigante série de ses exhibitions. Et comme le séjour de Versailles, avec les longs loisirs de ses journées de pluie, lui fournissait de nouveau une telle occasion, on ne doit pas s’étonner que l’esprit des maîtres français se retrouve aussi bien dans l’inspiration que dans le style des deux sonates, en ré majeur et en sol majeur, conçues et probablement écrites par lui pendant ce séjour.


La date précise de la composition de ces sonates, en vérité, ne nous est point connue : mais nous savons que, le 1er février, elles étaient déjà « chez le graveur, » avec les deux précédentes, toutes les quatre soigneusement revues, remaniées, complétées ; et nous savons, en outre, que, sitôt de retour à Paris, l’enfant-prodige a recommencé à être promené de salon en salon. C’est donc, suivant toute vraisemblance, à Versailles, entre le 1er et le 8 janvier, qu’il aura eu le temps de produire ces sonates, — qui sont d’ailleurs, avec la sonate en si bémol du 21 novembre, à peu près toute la musique qu’il a pu écrire durant les cinq mois qu’il a passés en France. En tout cas, le moment me semble venu d’étudier ces deux dernières sonates parisiennes, et puis aussi de définir, à leur sujet, l’influence, en général trop méconnue, qu’a exercée la musique française sur le développement du génie de Mozart. J’essaierai de le faire dans un prochain article, avant de reprendre le récit de l’existence des Mozart à Paris, — où ils sont revenus le 8 janvier, désespérant de voir arriver de la Cour la rétribution attendue.


T DE WYZEWA.