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ils contemplaient le Roi, agenouillé, récitant à mi-voix les prières de son livre, la bonne Reine, les enfans de France, chacun assisté de son aumônier, et ces jeunes princesses, Madame Adélaïde et ses sœurs, de qui allait dépendre, à présent, leur fortune. Et que pouvait bien être la dame qui, dans une petite loge du balcon de la sacristie, priait modestement, les paupières baissées, tandis que tous les regards du public se tournaient vers elle ? Quoi ! c’était la marquise de Pompadour, l’illustre favorite, l’Aspasie moderne ? Que dirait-on, à Salzbourg, lorsqu’on saurait que, dès le premier soir, il leur avait été donné d’entendre la messe en compagnie de tous ces personnages ?

Mais M. Wolfgang, lui, debout devant eux, qu’avait-il donc à se tenir si tranquille, avec tant de belles choses à voir autour de lui ? C’est que M. Wolfgang, en vérité, avait mieux à faire que de regarder : il écoutait une musique plus jolie, plus amusante, que tout ce qu’il avait jamais entendu, au moins dans une église, une musique qu’on aurait que composée expressément pour lui. Car l’usage était alors, à la Cour comme à la ville, que la partie musicale des offices de Noël consistât, surtout, à accommoder en toutes façons le délicat trésor des noëls populaires. A Versailles, cette nuit-là, c’était tantôt l’organiste, M. Foucquet, un fort habile homme de l’ancienne école, qui, avec toute sorte de figures et d’imitations, improvisait sur eux d’aimables fantaisies, dans le style de Rameau ; tantôt les solistes et les chœurs, sous la direction du maître de chapelle Blanchard, chantaient un grand motet où, à l’exemple du fameux Fugit nox de M. Boismortier, on avait revêtu de paroles latines une foule de joyeux cantiques des provinces françaises ; ou bien encore les voix, l’orgue se taisaient, et l’orchestre jouait un « concerto » de M. Blanchard, Les Noëls, où s’entremêlaient, en une longue suite de variations, un vieux chant d’église et un chant populaire[1]. Tout cela d’un art assez mince, mais si clair, si léger, si charmant ! Et le cœur de l’enfant buvait avec délices cette musique enfantine ; et ce fut lui, sans doute, qui, dès ce premier soir, obtint de ses parens la promesse de pouvoir assister, chaque jour, à tous les offices de la chapelle royale.

  1. Un manuscrit de ce « concerto, » composé en 1755, se trouve à la Bibliothèque du Conservatoire. Tour à tour les hautbois, les bassons, les flûtes, les violons, alternant avec des tutti de l’orchestre, variaient l’un ou l’autre des deux thèmes, parfois en duo, avec de petites entrées en canon.