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mois de février prochain. » Même pédantisme naïf, où reparaît l’auteur de l’École du Violon : « L’enfant essaya une basse qui ne fut pas absolument exacte, parce qu’il est impossible de préparer d’avance l’accompagnement d’un chant qu’on ne connaît pas. » De telle sorte que l’article, d’un bout à l’autre, n’a rien à nous apprendre que nous ne sachions déjà, à moins que nous ne veuillons prendre au sérieux l’anecdote que voici : « Je lui ai écrit, de ma main, un menuet, et l’ai prié de me mettre la basse dessous ; l’enfant a pris la plume, et, sans approcher du clavecin, il a mis la basse à mon menuet. » Un menuet de Grimm, et accompagné d’une basse de Mozart, voilà un morceau dont la disparition est vraiment regrettable !

La rédaction de ce prospectus n’a été, d’ailleurs, que l’un des moindres services rendus aux Mozart par leur « sensible » ami. Celui-ci, heureux et fier d’avoir déniché un « phénomène » d’aussi bon aloi, s’est immédiatement empressé de le produire dans toutes les maisons où il avait accès : et une vie nouvelle s’est ouverte pour le petit Wolfgang, ou plutôt une répétition de la vie qu’on lui avait fait mener à Vienne, l’hiver précédent. Nous n’avons malheureusement pas, pour cette partie du voyage, le registre où Léopold inscrivait, chaque soir, les noms des diverses personnes qu’il avait rencontrées : et ses premières lettres de Paris, non plus, ne nous renseignent guère sur l’emploi de son temps. Nous Usons seulement, dans celle du 8 décembre : « Demain, séance chez la marquise de Villeroy et chez la comtesse de Lillebonne ; » d’où nous pouvons conclure que, entre le 1er décembre et la veille de Noël, — date du départ pour Versailles, — peu de journées ont dû se passer sans que l’enfant eût à être exhibé dans deux, ou peut-être trois salons différens. Il eut à l’être, sûrement, rue Neuve-des-Petits-Champs, chez l’amie de Grimm, Mme d’Epinay, une petite femme toute jaune, avec un sourire apprêté sur ses lèvres trop minces ; il eut à l’être chez le gros baron d’Holbach, dont la femme jouait gentiment de la mandoline ; il eut à l’être chez une foule de seigneurs de fraîche date, issus de la double dynastie des Lalive et des Dupin. Et pendant que son père, tout à la joie de se voir admis en pareille société, faisait mine de s’intéresser aux conversations qui se poursuivaient, devant lui, sur la barbarie du traitement infligé aux Calas, sur la nécessité d’obtenir de nouvelles persécutions contre les jésuites, qu’on venait de chasser,