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péon le maïs, qui est le fond de sa nourriture, on lui vend aussi des vêtemens à prix réduit. Partout, du reste, chaque péon a la jouissance d’un lot de terrain qu’il cultive avec sa famille et on l’autorise le plus souvent à faire paître son bétail sur les herbages de l’hacienda.

En dehors des péons, ou domestiques à l’année, qui ne possèdent pas de terres, les grands propriétaires emploient aussi comme journaliers des Indiens venus des villages voisins, dont les terres, trop souvent mal cultivées, ne suffisant pas à leur subsistance. Pendant la moisson et aux diverses périodes de grands travaux, ils sont fort nombreux et on les loge aussi, tant bien que mal. Péons et journaliers travaillent assez peu. « S’il se produisait au Mexique, dit M. Gomot, une manifestation en faveur de la journée de huit heures, c’est par les patrons qu’elle serait faite. »

La constitution de la petite et de la moyenne propriété pourrait donner naissance à une classe d’agriculteurs plus laborieux. Elle se formera nécessairement par la répartition entre les Indiens des anciennes terres collectives, mais il faut attendre d’avoir vu plus longtemps à l’œuvre ces nouveaux propriétaires pour les juger. Sans parler d’eux, il se constitue depuis quelque temps, à côté des grands seigneurs terriens, maîtres d’haciendas, une classe intermédiaire et rapidement croissante : celle des rancheros, qui exploitent de petits et moyens domaines à titre de propriétaires, de métayers ou de fermiers. Ce sont très souvent des métis, recrutés parmi les chefs d’équipe et de culture des haciendas ou les plus intelligens des péons ; ils occupent déjà la plupart des terres en certaines régions, entre autres dans le riche arrondissement de Cordoba, situé sur le premier gradin de la terre tempérée et coupé par le chemin de fer de Mexico à la Vera-Cruz. S’il est probable que la grande propriété conservera toujours sa prépondérance sur les terres sèches des hauts plateaux, où il faut de grandes avances pour traverser les mauvaises années fréquentes et où la culture ne peut être que des plus extensives ; il n’y a pas lieu de regretter qu’elle continue partout à tenir sa place, car elle est souvent un élément de progrès ; mais il n’en est pas moins certain que la formation d’une nombreuse classe de petits et moyens propriétaires serait un grand bien pour le pays. Les terres tempérées, avec les cultures variées auxquelles elles se prêtent, leur conviendraient admirablement.