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principes abstraits du droit des gens, des théories forgées par des philosophes qui feront loi. Ce n’est point un tribunal international, souvent partial, qui jugera. C’est l’action vivante de la diplomatie, — la fluctuation progressive des rapports entre ces États, — qui déterminera leur attitude respective et leurs droits réciproques. On n’arrivera jamais à écarter tout motif de conflit, à éviter tout froissement, toute rupture, toute guerre. Mais on pourra considérablement en diminuer les chances. Si, chaque fois qu’une question ou une situation réellement importante devient menaçante pour la paix, les intéressés, avant de recourir aux armes, négocient directement ou par l’organe de délègues amis nommés par eux ; si ceux-ci, consciens de la valeur effective de leurs mandataires et des intérêts qui leur sont confiés, procèdent avec équité, en s’appuyant sur la réalité de la situation et non sur des théories abstraites ou des principes de droit international que chaque nouvel arrangement politique modifie, et qui sont par conséquent toujours en retard sur la marche vivante de l’existence des nations, — des arrangemens raisonnables pourront souvent résoudre des questions difficiles et éviter à l’humanité quelques conflits sanglans.

C’est d’ailleurs dans ce sens que se sont prononcés la plupart des délégués à la Conférence de La Haye, et si une trop large part y a été faite peut-être à des revendications théoriques, la tendance n’en a pas été moins marquée dans le sens indiqué plus haut.

Inutile d’ajouter après cela que tous les tempéramens pratiques qui ont été apportés aux lois de la guerre sont autant de résultats réels qui marqueront dans les annales du progrès humain, et qui sont susceptibles de développement ultérieur.

La Conférence de La Haye n’a pas été une mise en scène inutile. Les sentimens élevés qui en ont inspiré l’idée ont éveillé et produit au grand jour chez tous les peuples et dans tous les pays civilisés des tendances et encouragé des aspirations qui, jusque-là, se manifestaient isolément et osaient à peine s’affirmer devant les gouvernemens. Ce sont ceux-ci qui, aujourd’hui, les prennent sous leur patronage et s’attachent à en assurer le triomphe. Pour peu qu’une direction vraie soit donnée à ces bonnes dispositions et que l’on s’évertue à étudier les causes réelles des guerres et la nature des relations internationales